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LA NATURE

inférieure, ces flammes vibrent à l’unisson. Le phénomène continue de se produire tant que les flammes restent écartées ; mais le son cesse aussitôt que les flammes sont mises en contact.

L’application de cette loi, à l’aide de combinaisons délicates et de mécanismes ingénieux, a fait sortir le pyrophone des mains de l’inventeur.

Aujourd’hui l’instrument, tel que le représente la gravure, est terminé, et prêt à fonctionner. M. Frédéric Kastner a organisé un atelier, dans lequel on a déjà monté plusieurs des nouveaux instruments que le monde savant et musical a pu entendre dans des concerts à Paris, et surtout à l’Exposition de Vienne.

Le pyrophone, à première vue, ressemble à un orgue : mais il en diffère par un point essentiel, capital. Lorsque l’appareil fonctionne, les sons se produisent, non plus par l’air insufflé, mais au moyen de l’air mis en mouvement par la combustion des flammes placées à l’intérieur des tubes en cristal. Que le lecteur veuille bien se rappeler l’expérience de l’harmonica chimique, et il comprendra facilement le fonctionnement du pyrophone. En effet, d’après le théorème de M. Kastner, si à l’intérieur d’un tube on place à la même hauteur deux flammes, dès qu’elles sont écartées, elles vibrent ; dès qu’elles sont rapprochées, le son cesse de se produire. Le timbre du son, sa hauteur et son intensité, dépendent des dimensions du tube. Supposons donc que deux petits tuyaux amenant un gaz combustible, l’hydrogène, par exemple, soient placés dans l’intérieur d’un tube en cristal, et qu’on ait allumé le gaz qui s’échappe de ces deux tuyaux. Admettons en outre que ces deux petits tuyaux, placés dans le même tube en cristal, puissent s’éloigner on se rapprocher à volonté, au moyen d’un mécanisme dont le mouvement est imprimé par la pression exercée sur les touches du clavier ; — si, comme dans le piano, nous appuyons sur une des touches, les deux petits tuyaux placés dans le tube en cristal s’éloignent, les deux flammes conjuguées s’écartent, l’interférence n’agit plus et le son se produit. Dès que l’action de pression cesse sur la touche, les deux petits tuyaux se rapprochent, les deux flammes sont en contact, l’interférence se produit et le son s’arrête immédiatement.

Chaque touche du clavier est mise en communication avec un tube de cristal : les dimensions de ce tube ont été calculées, de manière à produire un son dont la valeur correspond à la position occupée par la touche. Des curseurs placés à la partie supérieure, mobiles sur la surface extérieure du cylindre de cristal, permettent de régler le son de chacun de ces tubes, que l’on accorde comme un piano, avec cette différence qu’il n’y a pas à tendre plus ou moins des fils métalliques, mais à baisser ou à hausser convenablement des curseurs en carton. Lorsque l’instrument a été réglé, que les curseurs ont été parfaitement mis en place, et que les petites flammes d’hydrogène brûlent dans les tubes de cristal, l’exécutant n’a plus qu’à se placer devant le clavier, à frapper les touches, et les sons successifs se produisent, de même que dans le piano, de même que dans l’orgue. Mais ce qu’il y a de particulièrement remarquable, c’est le timbre exceptionnel des sons qui sortent du pyrophone. — Quand l’instrument fonctionne entre des mains habiles, on entend en effet une musique suave et vraiment délicieuse, les sons obtenus sont d’une pureté et d’une délicatesse extraordinaires, rappelant à s’y méprendre les voix humaines.


L’ALFA
et la fabrication du papier.

On désigne sous le nom générique d’alfa deux graminées : le machrochloa, ou stipa tenacissima, et le lygeum spartum, qui croissent toutes deux dans les différentes contrées que baigne la Méditerranée, mais plus particulièrement en Espagne et en Algérie. Les diverses variétés du stipa : l’aristella, le juncea, le pennata, croissent en effet sur les collines les plus arides et les plus élevées des districts occidentaux de l’Algérie et dans toute la province d’Oran. Ce n’est pas de nos jours seulement qu’on a cherché à tirer parti de ces plantes, et les auteurs anciens Pline et Strabon, pour ne nommer que les plus connus, nous apprennent qu’on en faisait de leur temps des paniers, des corbeilles, des cordages, des nattes, des tapis et même des chaussures élégantes, dont on peut voir des spécimens dans la collection égyptienne cédée par Drovetti au musée de l’université de Turin.

Mais c’est seulement à notre époque qu’on est parvenu à en tirer un profit véritablement rémunérateur. La consommation chaque jour plus considérable du papier, le prix toujours croissant des chiffons ainsi que leur rareté, avaient depuis longtemps poussé quelques esprits pratiques à tenter la fabrication du papier au moyen de certaines plantes textiles telles que les orties, l’aloès, le bananier, et plus tard au moyen de la paille et du bois ; toutes ces matières sont aujourd’hui connues sous le nom générique de succédanés du chiffon. La fabrication du papier au moyen du sparte, qui donnait une pâte faiblement colorée, fut tentée en Angleterre, par MM. Routledge et Lloyd. Ce dernier, propriétaire du Lloyds Weekly Newspaper, après une série d’essais qui finirent par réussir, fabrique aujourd’hui la plus grande quantité du papier sur lequel sont imprimés les journaux écossais. Récolté en Espagne, dans les provinces de Murcie et d’Almeria, le sparte importé en Angleterre revenait en 1864 à 150 francs la tonne, ce qui, pour les 60 000 tonnes importées dans le courant de l’année, faisait un total de 1 500 000 francs. Après avoir été trié, nettoyé, haché et broyé, le sparte est traité avec une dissolution concentrée de soude caustique, 8 kilog. de soude pour 50 kilog. de sparte, qu’on laisse bouillir de six à huit heures. Tous les principes visqueux que renferme la