Page:La Nature, 1874, S1.djvu/187

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
N° 38. 21 FÉVRIER 1874.
183
LA NATURE.

latées par le soleil, et des eaux polaires condensées par le froid. Il croit que la circulation profonde, la circulation verticale, suivant sa propre expression, ainsi déterminée, maintient, par une force constante, la circulation de surface causée par les vents réguliers. M. Carpenter appuie surtout sa théorie sur le continuel échange des eaux outre l’équateur et le pôle. Nous avons déjà dit comment il a tracé dans des sections perpendiculaires à l’axe du Gulf-Stream des lignes d’égale température qui prouvent l’existence d’un contre-courant froid inférieur. Ces eaux inférieures s’échauffent en absorbant la chaleur de la croûte terrestre et remontent lentement, tandis que les eaux chaudes superficielles, qui se refroidissent graduellement au contact de l’air, en s’éluignant de l’équateur, descendent vers le fond. La forme du littoral dans chacun des bassins océaniques et l’action de la rotation terrestre impriment leur direction aux courants ainsi créés. Nous ne pouvons qu’indiquer sommairement dans ce résumé les points essentiels de la théorie de M. Carpenter sur la circulation des eaux de l’Océan, qui se rapproche, comme on le voit, de celles de Humbnldt et de Maury.

Une théorie différente, soutenue par Franklin, Sir John Herschell, le professeur Wyville Thomson et d’autres savants naturalistes, explique la production du Gulf-Stream par les alizés, c’est-à-dire par le refoulement des eaux dans la mer des Antilles. Malgré l’autorité des noms qui la défendent, nous croyons cette théorie moins fondée que celles qui précèdent et il nous paraît difficile de l’appliquer à une explication satisfaisante de l’ensemble des courants océaniques. Maury admet que la pression des alizés aide à donner au Gulf-Stream sa vitesse initiale, mais il ne croit pas que cette pression puisse suffire pour déterminer la formation du puissant courant qui transporte, des rives de l’Amérique à celles de l’Europe, un volume d’eau mille fois plus considérable que celui des plus grands fleuves.

Un des officiers les plus distingués de la marine royale hollandaise, le commandant Jansen, a récemment résumé, dans une remarquable étude [1], les observations qui paraissent confirmer les vues de Maury. Mais il fait remarquer que ces vues u’ont été préseiitécsjusqu’ici que comme unehypotlièse, et il dit très-bien : — « Le soleil, la chaleur et le froid sont les principales sources du mouvement. La chose essentielle est donc d’observer les mouvements de la mer et de l’atmosphère, leurs températures et leurs densités, comme l’ont fait avec tant de soins intelligents les naturalistes du Lightning et du Porcupine, comme le font aujourd’hui ceux du Challenger[2], et des milliers d’autres observateurs, la plupart moins exacts, stimulés par les publications de Maury. Les faits ainsi recueillis, quand ils sont groupés en nombre suffisant et interrogés attentivement par un esprit dégagé de théories et de spéculations, révèlent eux-mêmes leurs’causes, ou mettent en nos mains le fil conducteur pour arriver à des explications rationnelles. Telle a toujours été la manière devoir du commandant Maury, et c’est, je pense, la seule qui puisse nous permettre d’espérer la découverte des vérités encore cachées. « Si une hypothèse nouvelle avait expliqué un plus grand nombre de faits, Maury aurait été le premier à l’adopter, en abandonnant sa propre hypothèse. Il n’a jamais dévié de cette règle de conduite, et c’est à ses recherches pratiques, à la lucidité d’un esprit droit, plus attaché à l’expérience qu’aux théories, qu’on doit surtout attribuer le succès de ses travaux. »

Élie Margollé.

L’EXPLOITATION DES MOUTONS

EN AUSTRALIE


Il n’est pas rare de rencontrer en Australie des propriétaires anglais qui possèdent cent mille hectares de prairies, où ne paissent pas moins du cent mille moutons. Quelques-uns de ces bergers comme on n’en voit pasdans la vieille Europe, ont commencé à s’établir tant bien que mal dans une des vastes prairies inhabitées du jeune continent. Avec les quelques centaines de livres sterling qu’ils avaient emportées avec eux, ils se sont construit une cabane, ont acheté dans le voisinage des brebis et des béliers ; les années et le travail aidant, leur famille de bêtes à laine s’est multipliée, jusqu’au point de couvrir un espace si grand que l’œil ne peut l’embrasser tout entier !

Cette immense agglomération de moutons dans certaines régions de l’Australie a fait naître des établissements singuliers, comme on n’en trouverait nulle part dans nos contrées, des usines à vapeur, où des milliers de moutons sont nettoyés, douchés et tondus mécaniquement. Les célèbres machines de Cincinnati, qui engloutissent des cochons pour les métamorphoser eu saucissons, ne le cèdent en rien à ces exploitations australiennes, au sujet desquelles nous sommes heureux de pouvoir publier des documents précis et originaux.

L’établissement que nous décrivons est celui de MM. Clive, Hamilton et Trail, situé à Collaroy, dans le New-South-Wales. L’usine du lavage, que représente une de nos gravures, ne compte pas moins de deux machines à vapeur ; la première est destinée à élever l’eau de la rivière de la localité, et à la déverser en douche sur les moutons qu’il s’agit de laver ; l’autre sert à couper le bois destiné au chauffage des dissolutions de savon, et fournit en même temps la vapeur nécessaire à élever la température des bains où les victimes sont plongées. Les moutons arrivent d’abord dans de grandes cours de réception, où ils sont parqués méthodiquement ; ils constituent la matière première de ce nouveau mode d’industrie. Quand l’eau a rempli les réservoirs, quand la vapeur a échauffé le liquide à la température cuiiveuable,

Droits réservés au Cnam et à ses partenaires

  1. Ocean highways, juin 1873.
  2. Voy. la lable de la première année.