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LA NATURE.

courants électriques dans les nerfs, il n’y en a pas moins des modifications constantes qui se manifestent par les résultats de la sensation et du mouvement et, comme toute action, a sa raison d’être, sa cause, il faut chercher une cause plausible : l’explication de M. A.-H. Garrod peut s’appliquer à celle des deux hypothèses que l’on voudra faire.

M. A.-H. Garrod trouve la raison d’être du courant (nerveux ou électrique, à volonté) dans la différence de température constante entre le centre et la périphérie de tout corps vivant ; on sait que lorsque deux corps de températures différentes sont en communication, il y a passage de la chaleur du corps chaud au corps froid, et que, en même temps, il y a production d’une action spéciale ; dans la machine à vapeur, la chaleur passe de la chaudière au condenseur, et simultanément il y a production de travail mécanique ; dans la pile thermo-électrique, la chaleur passe de la soudure échauffée à la soudure froide, et il y a apparition, par cela même, d’un courant électrique dans la barre métallique. C’est ce second exemple qui explique le plus complètement l’idée de M. Garrod : il y a courant dans les circuits formés par des nerfs, parce que la partie centrale est à une température plus élevée que la partie périphérique.

Pour que cette hypothèse puisse être admise, il faut qu’elle concorde avec les faits connus jusqu’à ce jour ; examinons donc si cet accord existe. Tout d’abord pour les animaux dits à sang chaud, la température centrale est constante et supérieure à celle de la peau, c’est là un fait incontestable. La température centrale des animaux dits à sang froid n’est pas invariable, elle dépend de la température extérieure, mais elle est aussi toujours supérieure à la température périphérique. Il faut remarquer que nous ne voulons pas dire que la température extérieure de l’air ne puisse être supérieure à la température centrale, mais non à la température de la périphérie de l’être vivant, celle-ci pouvant se maintenir au-dessous de la température ambiante par l’évaporation, etc.

On conçoit alors que dans les animaux à sang chaud où la différence de température est notable, il y ait des courants plus intenses que dans les animaux à sang froid ; dès lors il doit y avoir plus de vivacité, plus d’ardeur dans les premiers que dans les seconds. Ainsi s’explique également bien le sentiment de lassitude, de paresse qui nous accable dans les chaudes journées alors que la température périphérique ne peut rester aussi basse qu’en hiver, au printemps, ou que lorsqu’un vent sec vient activer l’évaporation ; de même on arrive à concevoir l’indolence des peuples qui habitent les pays chauds, et la vivacité dont font preuve les hommes des climats tempérés et froids ; l’effet des bains froids, des douches est d’augmenter la différence de température entre le centre et la périphérie, et par suite, de rendre ceux qui ont été soumis à ce traitement plus vifs, plus actifs, puisque les courants nerveux sont plus intenses.

On sait, d’autre part, qu’un animal ne peut rester dans un bain dont la température est égale ou supérieure à la sienne propre, et que la mort suivrait une immersion un peu prolongée : ne serait-ce pas parce que les courants nerveux cessent de se produire, lorsque la différence de température cesse d’exister ? Et si l’action ne s’est pas prolongée, s’il n’est résulté qu’une fatigue, une extrême faiblesse, ne disparaît-elle pas par une douche froide, qui rétablit les courants nerveux en même temps que la différence de température du centre et de la périphérie ?

Une autre considération vient corroborer les remarques précédentes : l’organe central du système nerveux, c’est le cerveau, c’est lui qui est la partie chaude du système ; s’il produit des courants il faut, de toute nécessité, qu’il perde de la chaleur à chaque instant et, pour que l’action puisse se continuer, il faut qu’il en reçoive à chaque instant autant qu’il en perd, et ce ne peut être que le sang qui, dans son cours continu restitue la chaleur perdue. Or il existe une expérience du docteur John Davy, expérience, qui, jusqu’à présent, n’a pas été démentie, et de laquelle il résulte que le sang qui arrive au cerveau, est à une température plus élevée que le sang qui en sort, ce qui est bien d’accord avec l’hypothèse que nous étudions. On ne peut dire, d’ailleurs, que cette chaleur abandonnée au cerveau par le sang est employée dans le travail de décomposition et de recomposition continuelle de cet organe, car le même raisonnement pourrait s’appliquer au passage du sang dans les muscles, tandis qu’on n’observe aucune différence de température dans le liquide sanguin à l’entrée et à la sortie des masses musculaires. Les idées de M. Garrod, que nous venons de résumer, ne présentent rien qui doive les faire rejeter tout d’abord ; cet auteur a même répondu par avance à quelques objections qui venaient immédiatement à l’esprit. Ce n’est pas à dire cependant que cette hypothèse doive être acceptée sans restrictions, mais il y a lieu, croyons-nous, d’en tenir compte et de chercher par de nouvelles expériences à la compléter ou à la détruire.


LES TÊTES HUMAINES
préparées par les indiens jivaros.

Aux confins du Pérou et de la république de l’Equateur, sur les vastes territoires que traversent les eaux du Maranon, un grand nombre de tribus indiennes, à peu près inconnues jusqu’à ces derniers temps, vivent au milieu de forêts impénétrables, qui les protègent du regard indiscret des Européens. C’est là, que l’on rencontre une grande famille indienne des territoires de Cuença et de Chachapoyas, désignée autrefois par la Coudamine, Lapie, etc., sous le nom de Xibaros, et appelée actuellement Jivaros