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LA NATURE.

sciences. En même temps, cette illustre assemblée récompensait MM. Ruolz et Elkington, qui avaient rendu pratique et industrielle l’admirable invention théorique du savant Genévois.

Le prix de trois mille francs qui lui fut décerné, il le consacra à la fondation d’un prix décerné par l’Académie de Genève.

Comment ne pas rappeler que c’est de la Rive qui a indiqué le renforcement d’un couple voltaïque par son propre courant dérivé au moyen d’une bobine d’induction ? pouvons-nous passer sous silence cette théorie électro-chimique de la pile qui a mis fin à la trop célèbre théorie du contact, et qui a démontré que les affinités chimiques sont le primum movens de cette force si étonnante, si multiple dans ses effets, si semblable à la vie, que certains l’ont confondue avec la vie elle-même ?

Nous devons ajouter que Auguste de la Rive a été un vrai journaliste scientifique dans la plus haute expression du mot. C’est lui qui a créé les Archives de l’électricité, recueil qui restera longtemps sans rival. Il a été un des plus actifs collaborateurs des Archives des sciences physiques et naturelles, excellent recueil qui se publie mensuellement à Genève.

Auguste de la Rive s’occupait, lorsque la mort est venue le surprendre, de travaux relatifs à la théorie des aurores boréales, si admirablement étudiées par Donati. Son esprit éclairé était digne de comprendre les promesses de la météorologie cosmique. Il annotait et compulsait toutes les observations qu’il avait pu se procurer sur un aussi admirable et mystérieux phénomène !

Il est mort à Marseille, pendant un voyage entrepris dans un climat moins rude que Genève, pour rétablir sa santé chancelante. Les siens, appelés en toute hâte à l’issue d’une attaque de névralgie, eurent la triste consolation d’alléger ses souffrances par des devoirs sacrés et de recueillir ses derniers soupirs.

Auguste de la Rive laisse deux fils ; l’un d’eux s’occupe de travaux littéraires ; l’autre a rédigé la partie mathématique du grand ouvrage de son père, sur l’Électricité théorique et appliquée. Le nom de de la Rive n’est pas perdu, ni pour les lettres, ni pour les sciences.

Nous n’avons pas eu l’occasion de voir le savant et l’homme, celui dont nous retraçons avec émotion la vie si bien remplie. Mais nous avons puisé dans ses ouvrages le peu que nous savons d’électricité théorique et pratique. En rendant hommage à sa mémoire, il nous semble que nous nous acquittons d’un pieux devoir.

W. de Fonvielle

LES RÈGLES DE LA ROUTE À LA MER

L’abordage de la Ville-du-Havre, par le Loch-Earn, survenu après le sinistre du North-Fleet, après tant d’autres, a vivement surexcité l’opinion publique. Ce que l’on s’est demandé tout d’abord, c’est, si dans le recueil des lois internationales, il n’y en avait pas qui prévît et dût empêcher de tels désastres, et l’on a trouvé la convention de 1862. À cette époque, en effet, la France, l’Angleterre, émues des nombreuses rencontres suivies de sinistres, dont les océans, chaque jour plus sillonnés, étaient le sombre théâtre, ont rédigé en commun une série de règles, qui ont aujourd’hui force de loi sur toutes les mers, les autres puissances maritimes les ayant adoptées à leur tour.

Rédigés par des hommes choisis et expérimentés, il semblerait que ces règles dussent être infaillibles : elles ne le furent malheureusement pas ; aussi en Angleterre, dans le Parlement et dans la Presse, elles ont été l’objet de critiques nombreuses, critiques qui ont trouvé de l’écho en France bien avant les deux sinistres dont l’humanité est encore si péniblement affectée.

Le principal argument mis en avant par les adversaires de la convention internationale de 1862, c’est que le nombre des abordages va toujours croissant depuis l’adoption des nouvelles règles de route. Nous croyons qu’on s’avance beaucoup en produisant une semblable affirmation, car il n’y a pas de catalogue général des naufrages remontant à plus de quinze ou seize ans, et ceux qui ont la prétention d’en dresser le bilan pour cette période ne méritent aucune confiance.

Il n’en est pas tout à fait de même pour les statistiques locales, et, parmi celles que nous avons sous les yeux, la liste des naufrages publiée en Angleterre, par le Board of Trade, entre autres, permet d’argumenter d’une façon plus sérieuse. Cette liste, qui embrasse dix-huit de ces dernières années, et que le Board of Trade lui-même considère comme complète et sûre depuis 1859, seulement, ne mentionne que les naufrages survenus sur les côtes ou dans les eaux du Royaume-Uni. C’est là un espace restreint sans doute, mais ces mers étant celles du monde où la navigation est la plus active, elles sont aussi celles qui voient le plus de sinistres et de collisions.

Elle nous présente les totaux suivants : Nombre des sinistres survenus de 1859 à 1868, 16 184 ; collisions, 3 559 ; total des navires perdus, 19 779 ; navires perdus à la suite d’une collision, 7 154.

En examinant les chiffres qui composent ce tableau, on remarque que, sur 1 000 sinistres, le nombre des collisions a été de 226 pour les 4 premières années de 1859 à 1862, et de 220 pour 1 000 pour les 5 dernières années de 1864 à 1868. Il y a donc une tendance, assez faible il est vrai, à une diminution, qui sera plus forte si nous éliminons tous les abordages autres que ceux qui se produisent entre des navires en marche, et ce sont ces derniers seuls que prévoient les règles de route. Nous obtenons alors 157 collisions sur 1 000, qui se trouvent réduites, après la promulgation de la loi, à 145.

Les 3 559 collisions que nous venons de constater dans le cours des dix années comprises entre 1859 et 1868 se répartissent de la manière suivante : entre 2 vapeurs en marche, 75 ; entre 2 voiliers en marche,