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LA NATURE.

cours et des provisions, il en avait lui-même le plus grand besoin. M. Baker fournit à tout et reçut en échange, de MM. Speke et Grant, des cartes et des renseignements sur leurs découvertes et sur ce qu’il fallait faire pour les compléter ; eux mêmes quittèrent bientôt Gondo-Koro et regagnèrent l’Angleterre, où l’accueil le plus enthousiaste les attendait.

Ils avaient bien cette fois découvert la source du Nil et personne ne pouvait le contester ! On répondait à cela que connaître le lac de Genève, ce n’est pas connaître la source du Rhône ; il faut de plus avoir exploré un pays dans tous ses détails pour pouvoir désigner parmi les différents cours d’eau qui l’arrosent, celui qui par son importance doit former la branche mère du fleuve. Tel n’était pas le cas de MM. Speke et Grant, qui n’avaient pu contourner le lac, ils ne pouvaient même pas rigoureusement prétendre que le Nil sortît du Victoria, puisqu’ils avaient été obligés d’abandonner le fleuve qu’ils avaient découvert. C’était une probabilité, mais non une certitude absolue. Au reste, ce ne sont peut être pas les sources du Nil seul qui doivent se trouver dans ces parages, mais celles de tous les grands fleuves africains. C’est, en effet, la région la plus élevée du continent, le sommet des versants qui portent à la mer les eaux des montagnes neigeuses qu’on peut considérer comme les Alpes de l’Afrique. Or, dans les Alpes, le Rhin, le Rhône, le Danube prennent leur source dans un même massif de montagnes : n’en peut-il, n’en doit-il pas être de même en Afrique et ne trouverons-nous pas du même coup les sources du Nil, du Congo, de l’Ogowai et peut-être du Chari ? G. Marcel.

— La suite prochainement. —


DÉCOUVERTES
DE FOSSILES EN AMÉRIQUE

La Nature a donné le résumé des découvertes paléontologiques du professeur Marsh, mais nous ne connaissons pas encore en France toute la richesse de l’Amérique du Nord en espèces animales fossiles. Les trouvailles d’un autre chercheur dans les territoires de Colorado, Wyoming, Idaho, pays montagneux traversés par la partie la plus considérable et la plus escarpée des montagnes rocheuses, pourront en donner une idée. Ce professeur Cope, qui a également exploré tout l’État de Kansas, a été attaché à l’expédition de Hazain dans le Colorado ; et c’est dans la partie de ce territoire qu’on nomme les mauvaises terres, the Bad Lands, qu’il a fait ses plus riches découvertes. Il y a là un vrai cimetière d’animaux éteints.

C’est par centaines qu’il faut compter les espèces, représentées par une variété infinie d’individus, que l’on doit à ce laborieux professeur. Depuis les restes énormes du mastodonte jusqu’aux os des plus petits rongeurs, tout a été mis au jour, même des débris d’insectivores, de talpidés. La délicatesse et la finesse de ces petits ossements donnent à leur conservation merveilleuse un intérêt particulier. Les restes de grands quadrupèdes sont des plus nombreux : on trouve notamment des spécimens de races chevalines primitives ; ce qui est d’autant plus curieux que, dans notre période géologique, le cheval n’existait pas en Amérique avant l’arrivée des Européens.

Le Colorado, aux époques géologiques précédentes, a dû renfermer un nombre très-considérable de rhinocéros ; M. Cope n’en a pas déterminé moins de sept espèces. Le plus beau spécimen est un crâne complet avec les dents : il est parfaitement caractéristique. D’étranges individus de cette remarquable famille ont été ainsi mis au jour, par exemple une espèce cornue, se rapprochant de l’éléphant. Ces animaux devaient être un peu plus grands que l’espèce actuelle; l’une des variétés les plus grosses avait une corne au-dessus de chaque œil, et une sur le nez. Ce qu’il y a d’intéressant dans cette découverte, c’est que — pourvu que tous les travaux postérieurs continuent à maintenir les restes découverts dans la tribu des rhinocéros, — elle montrera la nature s’écartant des lois que les savants admettent, et prouvera sans doute, que la science moderne a une tendance exagérée à réduire le nombre des espèces de ruminants.

Les carnivores abondent. Ce sont des caniens et des félins. On remarque surtout une nouvelle espèce du genre chien, dont la particularité est d’être grande comme un ours. Enfin les reptiles ne manquent pas à l’appel : ce sont des tortues, des lézards, des serpents de toute taille et de toute figure. La faune des Bad Lands à l’époque tertiaire devait être d’une richesse incroyable.

Il est impossible de donner de très-amples détails sur les découvertes du professeur Cope. On le comprendra, quand on saura que la science lui doit la détermination d’au moins trois cents espèces de vertébrés, dont plus de la moitié sont entièrement nouvelles. Plutôt que de s’engager dans une multiplicité si grande, il vaudra mieux plus tard faire connaître individuellement au lecteur européen quelques-unes de ces espèces nouvellement exhumées. Qu’il suffise pour le moment d’avoir signalé leur existence et montré l’immense richesse en fossiles des territoires des montagnes rocheuses. H. de la Blanchère.


AGASSIZ EN EUROPE

Ce grand, naturaliste est né à Orbes, dans le canton de Vaud, le 28 mai 1807. Son père était un pauvre pasteur protestant de village, qui l’envoya à l’école publique de Bienne, où il attira, par la précocité de son intelligence, l’attention de ses professeurs. Pour le récompenser, il fut mis au collège de Bienne, et de là il alla à Zurich, pour étudier la médecine et l’his-