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étoiles seulement sur les milliers qu’on a étudiées dans ce but. Parmi les plus remarquables signalons surtout Sirius, soleil 2 688 fois plus volumineux que le nôtre, entouré d’un système de corps célestes dont on connaît déjà plusieurs membres, et éloigné de nous à la distance de 33 trillions de lieues ; citons l’étoile polaire, étoile double, dont la distance égale 117 trillions de lieues ; citons Capella, qui plane à 170 trillions de lieues d’ici, distance que la lumière, qui vole en raison de 77 000 lieues par seconde, n’emploie pas moins de 71 ans et 8 mois à traverser, de telle sorte que le rayon lumineux que nous recevons actuellement, en 1874, de cette belle étoile, est parti de son sein en 1803. Elle pourrait être éteinte depuis 1804, et nous la verrions encore. Elle pourrait s’éteindre aujourd’hui et les habitants de la terre l’admireraient encore dans leur ciel jusqu’en l’année 1946. Réciproquement s’il y avait, sur les planètes qui gravitent autour de Capella, des esprits dont la vue transcendante fût assez parfaite pour découvrir de là-haut notre petite terre perdue dans les rayons de notre soleil, ils verraient actuellement, de cette distance, la terre de l’année 1805, et seraient en retard de 71 ans et 8 mois sur notre histoire.

Ce sont là les étoiles les plus proches de nous. Toutes les autres sont incomparablement plus éloignées.

Il y a des étoiles dont la lumière ne peut nous arriver qu’après cent ans, mille ans, dix mille ans de marche incessante de 77 000 lieues par seconde. Que l’on essaye de suivre par la pensée le trajet d’une pareille flèche !

Pour traverser l’univers sidéral dont nous faisons partie (la voie lactée), la lumière n’emploie pas moins de 15 000 ans.

Pour venir de certaines nébuleuses, elle doit marcher pendant plus de trois cents fois ce temps ; pendant cinq millions d’années…

Que l’imagination qui n’est pas effrayée par de telles grandeurs essaye de les concevoir. Si elle n’a pas ressenti encore le vertige de l’infini, qu’elle contemple froidement ces profondeurs, et qu’elle sente la position de la terre et de l’homme devant ces abîmes. Elle commencera ainsi à apprécier les spectacles découverts par l’astronomie sidérale.

Le tableau ci-contre renferme toutes les distances mesurées jusqu’à ce jour dans l’Univers sidéral ; nous avons fait précéder les lointaines distances des étoiles par les mesures relatives à notre propre système planétaire. Les chiffres que nous avons réunis, permettent d’apprécier l’extrême petitesse de la Terre au sein de l’immensité ; ils nous montrent encore que toutes les planètes de notre système solaire ne forment qu’un groupe infime dans l’espace.

Telles sont les dimensions actuellement mesurées dans la construction générale de l’Univers. Nous ne sommes encore — et nous ne serons jamais — qu’au vestibule de l’édifice, au bord de l’abîme de l’infini.

Camille Flammarion


LES PANSEMENTS À LA OUATE

ET L’HYGIÈNE DES HÔPITAUX.

M. Alphonse Guérin, l’éminent chirurgien de l’Hôtel-Dieu, a lu récemment à l’Académie des sciences un remarquable mémoire sur « l’influence des ferments sur les maladies chirurgicales. » Ce travail est la suite de ses remarques sur « l’efficacité des pansements à la ouate. » M. Alphonse Guérin a démontré que lorsque l’on place de la ouate sur une plaie, le pus est complétement préservé de la fermentation putride. — Cette observation a une importance pratique d’une grande importance, mais elle offre aussi, au point de vue philosophique, un intérêt particulier.

D’après M. Alphonse Guérin, si, dans le cas du pansement à la ouate, la plaie est mise à l’abri des conditions de la fermentation, « cela n’est pas dû à l’absence du contact de l’air, » mais bien à l’arrêt, par la ouate, des ferments atmosphériques. — L’air ambiant circule évidemment à travers le corps poreux, mais les germes qu’il renferme sont retenus par la ouate, qui agit à la façon d’un filtre.

« Je soutiens, dit M. Guérin, qu’il ne se produit pas de fermentation dans le pus qui n’est en contact qu’avec de l’air filtré ; je le démontre expérimentalement, et mes expériences sont la confirmation de l’idée qui m’a guidé dans mes recherches. Je ne veux examiner que l’influence des ferments sur les plaies, mais si la thèse que je soutiens est vraie, n’est-il pas évident que l’hygiène des hôpitaux reste tout entière à l’étude ? Jusqu’ici, on a mesuré la salubrité d’un établissement sanitaire, d’après le nombre de mètres cubes qu’il renferme ; on a calculé la quantité d’acide carbonique produit, et l’on a cru qu’avec la ventilation on devait diminuer la mortalité d’une manière notable. Je ne nie pas que la ventilation et une grande masse d’air ne soient des conditions favorables ; mais, quand on a construit à grands frais un établissement comme l’hôpital Lariboisière, où la ventilation atteint la plus grande perfection, on n’est pas peu surpris d’apprendre que nulle part la mortalité n’est plus grande. Si l’on admet avec moi que ce sont des ferments contenus dans l’air qui empoisonnent les blessés, on comprendra que si les poussières qui couvrent les poutres et remplissent les interstices des parquets et des cloisons contiennent des ferments qui n’attendent que des conditions favorables pour devenir actifs, la ventilation qui apporte, sans doute, de l’air pur dans les salles, ne peut manquer de les souffler et de mettre les ferments en suspension dans l’air de manière qu’aucun blessé n’échappe à leur action. »

Il semble résulter, du beau travail de M. Alphonse Guérin, que le pansement à la ouate préserve les plaies du contact des poussières et des ferments atmosphériques ; les conséquences qui se dégagent de cette conclusion sont considérables au point de vue de l’hygiène et de la pathologie. Dr  Z.