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LA NATURE. 187 Bon ! dit ce dernier, j’ai cassé mon baromètre (011 n’en avait emporté qu’un ; n’en dites rien, au nom de Dieu !). — Et moi, reprit sou compagnon, je viens de casser le manche de ma fourche... » «.... Tandis que le ballon voyageait, poursuit Xavier de Maistre, la mère de M. Brun qui n’avait pas eu le courage d’assister au départ l’aperçut en l’air du milieu d’uue place où elle passait par hasard. — « Ah ! mon Dieu ! s’écria t-elle je 11e verrai plus mon cher enfant ! » Elle ne le vit que trop tôt car les provisions manquaient aux deux pliaétons. Pour plus grande sûreté, et sur l’avis du célèbre physicien M. de Saussure, 011 avait réduit à deux le nombre des voyageurs ; le filet était supprimé et la galerie allégée. On aurait pu augmenter considérablement la quantité des provisions. Le volume des fagots trompa les yeux ; c’est à peu près la seule faute qu’on ait commise, mais elle était considérable. Furieux de se voir forcés de toucher terre avec un ballon par¬ faitement sain, les voyageurs brûlèrent tout ce qu’ils pouvaient brûler. Ils avaient une quantité de boules de papier imbibé d’huile, beaucoup d’esprit de vin, des chiffons, un grand nombre d’éponges, deux cor¬ beilles contenant le papier, deux seaux dont ils ver¬ sèrent l’eau ; tout fut jeté dans le foyer. Cependant le ballon ne put se soutenir eu l’air au delà de vingt- cinq minutes, et il alla tomber à la tète des marais de Challes, à une demi-lieue en droite ligne de l’en¬ droit du départ, mais après avoir éprouvé dans sou cours deux ou trois déviations assez considé¬ rables... « Telle est l’histoire fidèle de notre ballon, inté¬ ressant peut-être, parce qu’il était supérieurement construit, parce qu’il s’est élevé avec une rapidité surprenante, parce qu’il 11e portait que 44 ans ; parce qu’il a été conduit avec assez de sang-froid et d’intelligence, et qu’il n’a pas souffert la plus légère altération « A l’instant où le ballon toucha terre, un carrosse conduit à toute bride s’empara dos voyageurs, et fut bientôt suivi de tous les autres. O11 revint à Buisson- Bond : ou lit monter les deux jeunes gens sur l’es- Irade, où ils furent présentés au public, fêtés, cou¬ ronnés par madame la comtesse de Cevin, par ma¬ dame la baronne de Montailleur, dont les charmants •visages payèrent de la meilleure grâce la dette con¬ tractée par le Prospectus  » Les heureux aéronautes sont conduits chez la mère de l’un d’eux, madame Brun, qui « triompha du triomphe de son fils », puis chez « S. E. M. le gou- neur », qui fit au chevalier de Maistre la grâce de lui accorder un délai de deux jours pour se reposer et rejoindre à l’aise son régiment. « Un repas de 90 couverts suivit toutes ces pré¬ sentations. 11 n’est pas possible de vous donner une idée de l’union, et de la joie aimable et bruyante qui régnèrent dans ce banquet presque fraternel. » Xavier de Maistre énumère les toast qui fureul portés « à l’anglaise » et il apprend à ses lecteurs que l’on n’a même pas oublié l’JIermile de Nivolct, dont nous avons précédemment mentionné l’hostilité à son égard. « Le comte de Saint-Gilles ayant demandé silence, proposa une libation d’eau fraîche à l’honneur de ï’Hermite de Ni volet ; et cette proposition lût accep¬ tée avec de grands éelats de rire. « Après le repas, 011 se rendit en ordre à la porte du faubourg de Montmélian, où le ballon attendit les convives ; 011 le ramena pompeusement sur deux chariots, aussi bien portant qu’au moment du dé¬ part, et on alla le déposer, au bruit des fanfares, dans le jardin d’Yen 11e : nouvel hommage au che¬ valier de Chevelu qu’on 11’ouhliait pas un seul in¬ stant. « Cette journée très-agréable fut terminée très- agréablement par un bal superbe qui réunit tout ce que nous possédons d’aimable : assemblée cliarmante où le plaisir, si souvent banni par la triste étiquette, tint ses états jusqu’à six heures du matin. Au-dessus de l’orchestre, 011 voyait encore le chiffre du cheva¬ lier de Chevelu. Après les premières contredanses, les voyageurs entrèrent et furent présentés par mesdames de Cevin et de Montailleur, qui les avaient ramenés le mutin : un nombre infini d’ac¬ colades leur prouvèrent que, même en descendant du ciel, 011 peut s’amuser sur la terre : le rire était sur toutes les lèvres ; la joie dans tous les cœurs ; et chacun se retira pénétré de respect pour la physique et la folie... » Ainsi se termine ce que Xavier de Maistre appela la journée du ballon. On ne saurait dire si le spiri¬ tuel auteur du Voyage autour de ma chambre se rappela plus tard cette belle journée de sa première jeunesse et s’il dirigea parfois son esprit vers l’aéro¬ nautique qui avait captivé son enthousiasme au dé¬ but de sa carrière. Quoi qu’il en soit, la journée du ballon 11e doit pas être oubliée par les historiens de la navigation aérienne ; 011 est heureux de retrouver dans les premiers temps de cette curieuse his¬ toire des ballons une page charmante, trop long¬ temps effacée, et de mettre en relief quelques traits presque absolument ignorés du caractère si sympa¬ thique d’uu des plus séduisants de nos auteurs : l’é¬ nergie, la hardiesse, le sang-froid, l’amour de l’ex¬ ploration scientifique. Gaston Tissandieu.

RÉGULATEUR ISOCHRONE DE M. YVON VILLARCEAU. L’action de la vapeur s’exerce toujours tangentiel- lement aux arbres de transmission, de plus celle ac- tion est intermittente. Le mouvement de l’arbre d’une machine à vapeur est donc iulermitlent lui- même, et si le travail des opérateurs est uniforme, ce mouvement sera périodiquement uniforme. Quel- quefois, dans les ateliers de tissage, dans les trains de laminoirs... les opérateurs produisent eux-