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contenterai de tracer une esquisse des plus saillantes.


Fig. 5. — Type de plante palustre oligocène aujourd’hui éteint. (Réduit à 1/16 de grandeur naturelle.)
Rhizocaulon polystachium, Sap. (Saint-Zacharie).
Je laisserai donc les Roseaux, les Cypéracées (Carex et Cyperus), les Massettes ou Typhacées, les Potemots, qui envahissaient alors, comme aujourd’hui, les eaux dormantes ou animées d’un faible mouvement ; mais je ne saurais passer sous silence un type des plus singuliers, déjà ancien à l’âge oligocène, puisqu’on en trouve des traces dans les lits fluvio-lacustres de la craie supérieure du bassin de Fuveau, ainsi que dans les gypses d’Aix eux-mêmes. Ce type est celui des Rhizocaulées, plantes palustres (fig. 5), dont la multiplication le long des bords de la plupart des lacs et des lagunes oligocènes de Provence, marque la place dans notre élude. Ces plantes ont laissé partout dans le midi de la France des vestiges de leurs tiges, de leurs feuilles et de leurs radicules éparses ; mais ce qui a surtout permis de les reconstituer et de leur assigner une place non loin des Restiacées et des Étiocaulées, groupes aujourd’hui exotiques, à l’exception d’une espèce unique perdue dans les marais de l’Irlande, c’est, d’une part, l’observation de leurs inflorescences disposées en épillets (fig. 6) paniculés, formés d’écailles scarieuses étroitement imbriquées, et, de l’autre, cette particularité curieuse, que des touffes entières, encore debout ou renversées au fond des eaux, ont été parfois converties en une masse siliceuse qui conserve l’organisation merveilleusement intacte des parties internes, visible sous le microscope.

Les Rhizocaulon, genre dont la découverte première est due à M. Brongniart, croissaient dans des eaux peu profondes, enracinant dans la vase leurs tiges indéfiniment multipliées. Ils formaient, le long des anciens rivages, de vastes colonies d’individus pressés, s’élevant de plusieurs mètres au-dessus des eaux. Les tiges, résistantes à la surface, mais remplies à l’intérieur d’une moelle lâche, trop hautes pour leur fermeté relative, toujours assez faible, chargées de larges feuilles rubannées et érigées, ou des lambeaux déchirés de ces mêmes feuilles, avaient la faculté d’émettre le long des entrenœuds une foule de radicules adventives et aériennes qui descendaient de toutes parts, se frayant un passage à travers les résidus desséchés, pour gagner le fond des eaux ; ces radicules ainsi disposées, constituaient donc autant de supports à la tige qu’elles accompagnaient, à l’exemple de ce qui a lieu chez les Pandanus ; elles n’avaient pourtant qu’une durée limitée, et, au bout d’un certain temps, elles se détachaient en laissant une cicatrice sur le point d’où elles avaient émergé ; mais elles ne quittaient la plante que pour être incessamment remplacées pur des radicules nouvelles qui se succédaient jusqu’à ce que la tige eût achevé le cycle entier de ses fonctions, en atteignant sa taille définitive. Elle fleurissait alors en émettant à son extrémité supérieure une panicule rameuse (voy. la fig. 5), dont les derniers pedicelles supportaient un ou deux épillets.

Fig. 6. — Détails principaux du Rhizocaulon polystachium, Sap.
1. Fragment de tige dépouillée de feuilles avec les cicatrices des radicules tombées. — 2. Portion d’une pauicule chargée d’épis, 2a. Épillet grossi pour montrer la forme des écailles dont il est composé. — 3. Lambeau de feuille perforé sur trois points par suite du passage des radicules. — 4. Portion d’une radicule.


C’est l’ensemble d’une plante de Rhizocaulon, reconstituée à l’aide de l’étude de ses diverses parties, que représente cette figure 5 ; mais pour reproduire l’aspect de ces hôtes, depuis si longtemps disparus, de nos lacs méridionaux, il faut encore multiplier par la pensée les tiges et les individus ; il faut évoquer leur foule pressée, changée en une masse immense de verdure, à la fois élégante et monotone, couvrant les abords des plages submergées, si fréquentes auprès des lacs de cette époque. Peut-être même ces plantes, comme il arrive encore de nos jours sur la lisière des lacs africains pour d’autres végétaux auxquels est dévolu un rôle semblable, attendaient-elles de longs mois, leurs radicules aériennes à moitié détruites, leurs rhizomes enfoncés dans la vase desséchée et fendillée, sous un soleil ardent, avant que la saison des pluies ne vînt ramener, avec l’eau des bas-fonds, l’élément nécessaire à l’activité de leurs fonctions momentanément suspendues. Ce qui est certain, c’est que les Rhizocaulées ont peu survécu à l’oligocène ; on n’en découvre plus que de faibles et rares vestiges dans l’âge suivant et la période falunienne