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les vit disparaître à jamais, en même temps que les circonstances qui avaient jusque-là motivé et favorisé leur présence. Cette présence était du reste peut-être restreinte à certains points déterminés. Il est surprenant en effet d’observer qu’en dehors de la France méridionale, où elles abondent depuis la craie jusqu’à l’aquitanien, les Rhizoeaulées n’ont encore été signalées nulle autre part.

Mais les plantes souveraines des eaux tranquilles étaient alors, comme de nos jours, dans des proportions, il est vrai, inconnues aujourd’hui à notre zone, les Nymphéacécs ou Nénuphars. C’est en Égypte, en Nubie, dans les eaux de la Sénégambie, au fond des savanes noyées de la Guyane ou le long des lagunes de l’Inde et de la Chine, qu’il faut aller chercher des exemples, encore affaiblis, de ce qu’étaient en Europe les lis des eaux de l’âge que nous décrivons.

Fig. 7. — Nymphæa Dumasii, Sap. Environs d’Alais (Gard).
(Réduction 1/4.)

Non-seulement le Nelumbium Buchii Ett. de Monte Fromina et les fragments de rhizomes, observés par M. Heer dans l’île de Wight, attestent l’existence de Nélumbos européens oligocènes ; non-seulement, les Nymphœa proprement dits (Nymphœa parvula Sap., N. Charpentieri Hr.) dénotent des plantes doubles au moins de celles de notre N. alba ; mais il existait de plus, dans l’Europe d’alors, des genres ou sections de genre, actuellement éteints, dont nous ne pouvons, il est vrai, apprécier que très-imparfaitement les caractères, mais qui pourtant s’écartent assez des espèces vivantes pour autoriser la croyance que leurs fleurs nous réserveraient des surprises et exciteraient notre admiration, s’il nous était donné de les contempler.

Le premier de ces types tertiaires a un représentant dans les gypses d’Aix (Nymphœa gypsorum Sap.), un autre à Saint-Zacharie (N. polyrhiza Sap.), un troisième, à ce qu’il semble, dans l’aquitanien de Manosque (N. calophylla Sap.) ; un fragment de ses fruits, accompagné de lambeaux de pétales, recueilli à Saint-Zacharie, dénote chez lui l’existence de fleurs doubles au moins de celles de notre Nymphœa indigène, et construite sur un plan assez différent ; mais les plus beaux échantillons de ce type ont été découverts par M. Lombard-Dumas, de S0111mières (Gard), non loin d’Alais. Ce sont des feuilles d’une conservation admirable (fig. 7), qui paraissent se rapporter à une espèce distincte, bien que voisine des précédentes. Ces feuilles, largement orbiculaires, entières sur les bords et légèrement, ondulées à la périphérie, étalaient à la surface des eaux un disque fendu jusqu’au centre du côté de la base, et parcouru par des nervures rayonnantes très-nombreuses, divisées dans leur partie supérieure, en rameaux dichotomes élancés, reliés entre eux par quelques anartomoses.
Fig. 8. — Anœclomeria Brongnarlii, Sap, (Armissan). — Fruit arrivé à maturité au moment de la déhiscence.
L’aspect des feuilles et ce que l’on connaît des fleurs, des fruits et des graines de ces Nymphéacées semblent annoncer qu’elles formaient un groupe assez peu distant des Nymphœa actuels, dont elles se séparaient plutôt par des particularités de structure organique que par la physionomie extérieure. Le second type, dont j’ai formé un genre sous le nom d’Anœctomeria (fig. 8), s’écarte beaucoup plus des Nénuphars vivants, non par les feuilles, mais par l’aspect de ses rhizomes, et surtout par la structure singulière de son fruit, dont les stigmates n’étaient pas adhérents à la surface du disque, et dont les parois, au lieu de s’ouvrir au moyeu de fentes irrégulières, comme font les Nymphœa, se divisaient à la maturité en compartiments, transversalement allongés, correspondant aux bases d’insertion des pétales et disposés dans le même ordre que ceux-ci. Ce genre, dont les fleurs ont dû être grandes et belles, à en juger par certains débris, faisaient l’ornement le plus merveilleux des eaux limpides et calmes des bassins lacustres d’Armissan et de Saint-Jean de Garguier.

La première de ces deux localités nous amène, à travers plusieurs échelons, jusque sur le seuil d’une nouvelle période, la plus brillante et la mieux explorée de celles qui partagent les temps tertiaires. Cte  G. de Saporta
Correspondant de l’Institut.

La suite prochainement. —