Page:La Nature, 1877, S2.djvu/89

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Mais, d’où venaient ces végétaux, soit ceux que je viens de signaler, soit encore ceux qui suivirent et, durant une fort longue époque, firent comme les premiers et accomplirent la même marche. Il y a peu d’années encore, on n’aurait pu répondre à une pareille question ; maintenant, grâce aux admirables travaux de M. le professeur Heer, grâce aux explorations d’une foule de voyageurs anglais, danois, américains, et plus spécialement des Suédois, en tête de qui il faut placer le nom du célèbre Nordenskiöld, ou sait, à n’en pouvoir douter, que les régions polaires, aujourd’hui désertes et glacées, ont été longtemps recouvertes d’une riche végétation forestière.

Fig. 3. — Chênes oligocènes à feuilles coriaces pancilobulées. 1-2. Quercus cuneifolia. Sap. (Gargas.) — 5. Q. armata, Sap. (Armissan. ) — 4-5. Q. oligodonta, Sap. (Armissan.) — 6. Q. velauna, Mar. (Ronzon).


Je ne dirai rien ici des plantes carbonifères, qui s’étendaient uniformément sur toute l’étendue de l’hémisphère boréal ; mais comment ne pas toucher en passant aux plantes jurassiques et crétacées du Groenland et du Spitzberg, chez lesquelles se présentent déjà des nuances qui marquent les progrès, d’abord à peine sensibles, de l’abaissement de la température des régions polaires comparées aux nôtres.

Fig. 4. — Types comparés de Séquoia oligocènes européens et de Séquoia de la craie polaire (Groenland et Spitzberg).
1-3. Séquoia Sternbergii, Hr (1-2. Ramules ; 3, Strobile). — 4. S. ambigua, Hr. (Groenland). — 5-7. S. Tournalii, Sap. (5-6. Ramules ; 7. Strobile). — S. Smittiana, Hr. (Groenland). — 8-9. Ramilles. — 10 Strobile.


Les premières divergences entre les deux zones résultent de l’apparition plus hâtive vers le pôle, de certains genres ou de certains types, destinés à ne s’introduire ou à ne se multiplier en Europe, que lorsque ce continent aura lui-même commencé à se refroidir. Elles se manifestent également par l’exclusion d’autres genres ou types d’affinité méridionale, longtemps indigènes sur notre sol, mais que les terres arctiques paraissent n’avoir jamais possédés.

Fig. 5. — Algues du Flysch.
1. Münsteria annulata, Schafh. — Zonarites alcicornis, F. O. — 3. Chondrites arbascula, F. O. — 4. Chondrites intricatus, F. O.


Lors du jura et de la craie, les pays polaires, comme l’Europe elle-même, ont eu des Gleichéniées, en fait de Fougères, de nombreuses Cycadées et une foule de formes maintenant éteintes ou reléguées dans le voisinage des tropiques. Dès lors cependant, les terres arctiques se distinguent par quelques traits qui leur sont propres : les vestiges des Abiétinées y sont moins rares, les Séquoia y sont plus variés, plus opulents, plus répandus que partout ailleurs ; les Glyptostrobus, les thuyas, les taxinées y sont déjà présents ; et ces végétaux s’y montrent sous un aspect qui sera justement celui qu’ils auront en Europe, lors du tertiaire moyen (fig. 4). Les Dicotylédones angiospermes font leur apparition dans la flore crétacée du Groenland, vers le cénomanien, à peu près à la même époque qu’en Bohème et dans le Nebraska. On reconnaît parmi elles des peupliers