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Page:La Normandie littéraire, année 15, tomes 7-8, numéros 1 à 11, 1900.djvu/87

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trouva l’apaisement dans le travail. Écrire était devenu pour elle un remède aux agitations et aux souffrances extérieures. Elle envisageait le labeur incessant et souvent funeste de son esprit, comme une moralisation de sa vie. Elle cherchait, sans y réussir, à réhabiliter ses sentiments par ses doctrines. Mais l’heure des égarements n’était pas encore passée : ce fut l’époque de sa longue intimité avec Chopin, de la camaraderie avec Litz et tant d’autres artistes du temps. Pour la définir durant cette période on pourrait lui appliquer ces mots que, dans une pièce curieuse de son théâtre, elle prête à Molière, se demandant : qu’est-ce que l’homme ? Elle nous apparaît, en effet, comme « un être qui s’étourdit et se lamente, sans jamais trouver le calme de son jugement ou le repos de son cœur. Toujours la douleur au fond de la gaieté, et le désespoir même dans l’ivresse. »

Au milieu de cette existence confuse, elle travaillait cependant. Elle menait de front le roman et le théâtre, les articles de journaux, de critique et d’art, les relations de voyage : elle étudiait, entre temps, l’histoire naturelle[1], et se dépensait dans des conceptions de tout genre. Classer des livres si divers serait bien difficile. L’auteur eût été fort embarrassé sans doute de faire une telle classification.

Il est une œuvre, d’abord, qu’il faut signaler à part : c’est Lélia. Mme Sand s’est dépeinte, dans Lélia, le type de la femme blessée de la réalité, vivant de désirs incessants, mais qui se détournerait de ses rêves si elle en voyait la réalisation. Elle parle alors avec révolte des inexorables préjugés du monde, elle qui les foulait si légèrement aux pieds. Il y a comme un déchaînement de romantisme dans cette œuvre touffue ; mais, à côté d’épisodes inextricables, il y a des passages grandioses qui classent G. Sand au rang des meilleurs écrivains de l’époque.

Elle se trouva rarement emportée par un tel souffle lyrique et se livra le plus souvent aux préoccupations personnelles, religieuses ou morales qui la troublaient sur le moment.

  1. Elle étudie toute sa vie les sciences naturelles qu’elle connaissait à fond et dont elle jugeait la connaissance indispensable à qui veut écrire. Elle a longuement parlé de cette branche des sciences dans « Valvèdre, » l’ « Homme de Neige, » « Promenades autour d’un Village. »