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Page:La Nouvelle Revue, vol. 20 (janvier-février 1883).djvu/286

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de grosses pierres, sous un ciel bas. Un sentier serpentait à travers les pierres. Il le suivit. Tout à coup, devant lui, s’élève comme un léger nuage… il regarde… Ce nuage devient une femme, vêtue de blanc, avec une étroite ceinture en or autour de la taille. Elle s’éloigne de lui en toute hâte… Il ne pouvait voir ni son visage ni ses cheveux… un long voile les couvrait… il voulait à toute force la rattraper et la regarder dans les yeux… mais il avait beau se hâter, elle marchait plus vite que lui.

Sur le sentier se trouvait une large pierre plate, semblable à une dalle de tombeau ; cette pierre barrait le chemin à la femme, elle s’arrêta. Aratof s’approcha en courant… elle se retourna vers lui, mais il ne vit pas davantage ses yeux, ils étaient fermés. Son visage était blanc, blanc comme la neige. Ses bras pendaient immobiles, elle ressemblait à une statue.

Lentement, sans plier un seul membre, elle se renversa en arrière et s’étendit sur la dalle… Et, sans savoir comment, Aratof se trouve étendu auprès d’elle, tout son corps raide et droit, comme une figure de tombeau, et ses mains croisées comme celles d’un mort.

Mais ici la femme se souleva tout à coup et s’éloigna. Aratof veut aussi se soulever, mais il ne peut ni décroiser ses bras ni bouger… Il la suit du regard avec désespoir… Alors la femme se retourna soudain et il aperçut des yeux vivants et clairs, sur un visage vivant aussi, mais inconnu. Elle rit, elle l’appelle de la main, mais il ne peut toujours pas bouger !

Elle rit de nouveau et s’éloigne en balançant gaiement la tête, sur laquelle a tout à coup surgi une couronne de petites roses rouges.

Aratof essaie de crier, de secouer cet horrible cauchemar… Tout devient sombre, et la femme reparaît auprès de lui… Mais ce n’est plus la statue, c’est Clara. Elle se tient devant lui, les bras croisés, et le regarde avec une attention sévère. Ses lèvres sont serrées, mais il semble à Aratof qu’il entend les mots suivants :

Si tu veux savoir qui je suis, va là-bas !…

— Où cela ? demanda-t-il.

— Là bas !… répond une voix gémissante, là-bas !…

Aratof se réveilla en sursaut.