Page:La Nouvelle Revue, vol. 20 (janvier-février 1883).djvu/297

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— Eh bien, oui, oui, je l’ai été, et je le suis encore maintenant, s’écria-t-il, avec un vrai désespoir cette fois.

Des pas se firent entendre dans la chambre voisine.

— Levez-vous, levez-vous, se hâta de dire Anna, voilà maman.

Aratof se releva.

— Et prenez, prenez le journal, et la photographie aussi. Pauvre, pauvre Katia ! Mais vous me rendrez mon journal ? et si vous écrivez quelque chose, vous me l’enverrez immédiatement, entendez-vous ?

L’apparition de Mme Milovidof délivra Aratof de la nécessité de répondre ; il eut cependant le temps de murmurer :

— Vous êtes un ange ; merci, je vous enverrai tout ce que j’écrirai.

Mme Milovidof, tout endormie encore, ne se douta de rien.

Dès le jour suivant, Aratof partit de Kazan, emportant la photographie dans sa poche. Quant au journal, il l’avait rendu à Anna, mais après en avoir arraché le feuillet sur lequel se trouvaient les mots soulignés.

Pendant le voyage de retour, la même torpeur le reprit, quoiqu’il se réjouît intérieurement d’avoir pourtant atteint son but ; il repoussait obstinément toutes les idées sur Clara. Il pensait beaucoup à sa sœur, à Anna. Voilà, se disait-il, un être excellent ! Quel cœur aimant, quelle absence d’égoïsme et quelle finesse de compréhension ! Et dire que chez nous, en province et dans un pareil milieu, fleurissent de semblables natures ! Elle est maladive, pas jolie, pas très jeune, mais quelle excellente compagne elle serait pour un brave homme ! Voilà de qui on devrait devenir amoureux !

Aratof pensait ainsi, mais, une fois arrivé à Moscou, les choses prirent une autre tournure.

XIV

Platonida se réjouit extrêmement du retour de son neveu. Que ne s’était-elle pas imaginé pendant son absence ! « Tout au