qu’on soit pour elles, que Corneille, en écrivant ces défectueux ouvrages, n’ait cependant singulièrement ennobli le langage et développé les. ressources de la comédie ordinairement bouffonne, enchevêtrée et vide où se complaisaient ses contemporains ; il a élevé le niveau, élagué les broussailles du style, fortifié le dialogue, dégagé les effets scéniques ; certes, il ne pénètre pas dans le vaste domaine des caractères, des mœurs, de la psychologie théâtrale ; il a su, toutefois, en plus d’un passage, avec une grâce délicate et ingénieuse, par la vigueur et l’élégance de l’expression, en faire pressentir l’étendue ; il a aplani le terrain réservé à Molière et préparé le goût public à comprendre sur-le-champ l’artiste merveilleux qui allait naître. Ses comédies n’ont donc été stériles ni pour lui, ni pour l’art dramatique : elles ont servi l’un et l’autre. Voyons ce qu’elles sont en elles-mêmes, et comment, malgré tous leurs défauts, elles ont agrandi l’horizon théâtral et mûri le poète.
Le sujet de chacune d’elles est bien certainement leur côté le plus faible. Ces divers scénarios ne sont pas de beaucoup supérieurs aux essais informes des auteurs de ce temps-là. Nul n’avait alors l’idée de la vérité morale des personnages, de la peinture du cœur, de ses passions et de ses travers. La psychologie en usage était banale et de convention. Tout se bornait, au milieu de quelques aventures invraisemblables, à des conversations galantes entremêlées de pointes, à des jeux de scène entre des personnages traditionnels, l’amoureux et l’amoureuse, un valet fourbe ou un capitan : le nœud de la pièce était un quiproquo, une fantaisie bizarre, un incident tombé des nues. Sur ce canevas, très embrouillé d’ordinaire, on brodait une versification déclamatoire et subtile, d’interminables monologues, des grands mots et des antithèses pédantesques ; le public, naïf et indulgent, s’y laissait prendre, n’ayant point d’autre idéal, suivait l’auteur de scène en scène, au gré de cette phraséologie d’autant plus admirée qu’elle était plus captieuse, et ne s’apercevait pas qu’il n’y avait rien au fond.
Corneille, inconnu, tâtonnant, obligé de plaire au public