Aller au contenu

Page:La Nouvelle Revue, volume 102 (septembre-octobre 1896).djvu/77

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

péripéties vulgaires, monologues, pointes, sentiments alambiqués, le poète avait exercé une sensible influence sur Fart comique et l’avait approché de sa mission réelle et de ses hautes destinées. Il a eu, en effet, le grand mérite d’être souvent gai et naturel, non pas qu’il provoque le rire, c’est une qualité qu’il n’a pas, mais son dialogue est vif, semé de traits d’une délicatesse extrême ; il indique de temps à autre, et l’on peut dire qu’il fait deviner des espaces plus étendus. Voilà pour le fond et quant au style, on est frappé en maint endroit du tour agréable, expressif et brillant de ses vers. Il retombe fréquemment, avouons-le, dans la monotonie et les vaines fioritures ; mais il se reprend par des reparties ingénieuses et même des scènes entières rapidement conduites. Les défauts étaient de l’époque et passagers comme elle : les qualités étaient bien à lui et leur enseignement a subsisté. D’un autre côté, et en même temps qu’échappant aux bouffonneries à la mode, il donnait de l’élégance et du véritable esprit à la conversation des personnages dans les scènes légères, il rencontrait aussi le ton de la comédie sérieuse ; en le lisant, il arrive qu’on s’arrête, étonné de son éloquence sévère ; on surprend çà et là une note magnifique, un vers puissant et précis, digne des drames à venir, l’accent de sa grande voix. Son génie s’affirmait ainsi par intermittence et il introduisait dans la comédie l’élément grave qui sied si bien aux ouvrages même les plus enjoués quand la situation l’autorise comme une antithèse heureuse ou l’exige comme une revendication du droit et de la vérité. Notons particulièrement ces irruptions du style élevé dans l’élément comique, elles nous intéressent plus que tout autre détail, puisqu’elles font pressentir Corneille.

VII

En réalité, le poète n’avait durant cette période que des idées assez vagues et souvent contradictoires sur le genre qu’il semblait avoir adopté : tantôt il disait, dans la préface de la Suivante, « que les fourbes et les intrigues sont principalement du jeu de la comédie et que les passions n’y entrent que par accident » ; tantôt il démentait cet étrange système et déclarait « qu’elle devait être la peinture de la conversation des honnêtes gens ».