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Page:La Nouvelle Revue, volume 102 (septembre-octobre 1896).djvu/76

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de la série, de beaucoup supérieur aux autres, non seulement par le style qui est tout à fait formé, mais aussi par sa structure plus solide, quoique, très bizarre. C’est une comédie à compartiments, mais en somme assez bien charpentée. On a même pu, il y a trente-cinq ans, en 1861 et en 1862, en donner quelques représentations à la Comédie-Française pour les amateurs de curiosités littéraires, avec plusieurs modifications scéniques. Il y avait plus d’un siècle et demi qu’elle était oubliée ; elle fut accueillie avec une certaine réserve, mais enfin cette épreuve attestait combien. l’Illusion était préférable aux précédentes pièces de Corneille qu’on ne saurait remettre au théâtre. Le scénario n’est pas moins compliqué, mais plus accessible à notre goût moderne qui admet quelquefois des combinaisons analogues. Trois comédies y sont intercalées les unes dans les autres : le premier acte est un prologue où le magicien Alcandre annonce à un père qu’il lui fera voir dans un miroir enchanté les aventures de son fils Clindor. Les actes suivants, formant le centre de la pièce, exposent les amours de Clindor et d’Isabelle, et les fanfaronnades de Matamore ; au cours de ces péripéties, Clindor et sa maîtresse qui sont devenus comédiens jouent quelques scènes d’un intermède, enfin, le dernier acte se rattache au premier comme épilogue : le père retrouve son fils et remercie le magicien. Tout ce sujet est habilement concerté et se comprend sans trop de peine. La pièce est amusante, écrite avec beaucoup de verve, de brio, de fermeté, et la variété des incidents, la vivacité des rôles soutiennent l’attention à travers les enchevêtrements du canevas. Corneille était devenu assez robuste pour dominer par le langage et par la pensée la faiblesse du scénario ; il était temps pour lui de renoncer à s’asservir aux exigences de la comédie à la mode : l’heure était venue où il allait être lui-même, et tout de suite, en effet, il prenait librement possession de son vrai domaine, il donnait Médée la même année que l’Illusion ; l’année suivante est l’immortelle date du Cid.

VI

Nous avons dit tout à l’heure qu’en dépit de son asservissement aux données théâtrales de son temps, parades galantes,