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Page:La Nouvelle Revue, volume 102 (septembre-octobre 1896).djvu/782

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révélait n’émut ni mon imagination, ni mon cœur. Trois prêtres étaient chargés de nous instruire : le curé d’abord, bonasse et lourd ; l’abbé Lescot, bourru, très savant, dont je revois la face de paysan, la bouche amère et l’œil sceptique ; l’abbé Borromel, onctueux et pimpant, très apprécié par les mères des enfants libres, comme on appelait les catéchumènes conduites par leurs parents ou par des institutrices particulières. Ma marraine m’eût souhaité pour confesseur ce suave abbé Borromel aux soutanes de drap fin, aux ceintures de belle soie, aux boucles blondes fleurant l’eau de Cologne. Mais la foule des pénitents encombrait les approches de son confessionnal et je dus porter l’aveu de mes fautes au dur abbé Lescot qui ne s’humanisait pour personne. Il ne m’écoutait guère, assoupi dans la chaleur et le silence de la petite boîte, à cette heure crépusculaire si solennelle dans les églises vides où le moindre bruit de chaise remuée se répercute en sonore écho. Il m’adressa enfin quelques banalités pieuses : « Il faut aimer Notre-Seigneur… obéir aux parents… votre excellente famille… vos bonnes maîtresses… Et la très sainte Vierge que vous aimez de tout votre cœur, n’est-ce pas, mon enfant ?… » Je me crus obligée de répondre, la très sainte Vierge m’étant complètement indifférente, que je ne l’aimais pas autant que je l’aurais voulu… L’abbé Lescot parut surpris : « Vous n’êtes donc pas une enfant sage ? » me dit-il non sans rudesse. Je répondis que j’allais à l’office parce qu’on m’y conduisait, que je n’avais aucune ferveur et que je ne demandais pas mieux que de devenir dévote. « Il ne s’agit pas d’être dévote » Il mêla la grâce à la persévérance, le démon à la Vierge, dans un discours filandreux et me ferma au nez la petite porte. Ce prêtre n’était ni psychologue, ni pédagogue !…

Dans la semaine qui précéda la première communion, Mme Dumarquet m’affranchit, ainsi que mes compagnes, de toute espèce de devoirs. Nous fûmes reléguées dans le petit salon de la directrice et là, entre les offices, nous lûmes des livres pieux : Songez-y bien ! — Le grand jour approche. — Lettres d’un missionnaire. C’étaient des histoires attendrissantes et fades, sans grandeur vraie, et dont aucune ne contenait la phrase, le mot simple et profond qui eût fait passer dans nos âmes innocentes et toutes de bonne volonté le tremblement intérieur d’une révélation divine. Ah ! les douces, les adorables paraboles de l’Évangile, comme on les déformait, comme on les mutilait dans le style