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Page:La Nouvelle Revue, volume 102 (septembre-octobre 1896).djvu/79

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… Et tu ne peux trouver de si douces caresses
Dont le goût dure autant que celui des richesses.

Je surprends, dans Clitandre, un sentiment que Racine devait un jour — soit hasard, soit réminiscence — placer dans le plus tragique de ses drames. J’entends d’avance les vers de Phèdre, lorsque Dorise, coupable et déçue, dit avec amertume :

Il ne m’est pas permis de jouir de mon crime ;
J’en mérite la peine et n’en ai pas le fruit.

Et quand elle, aussi, s’écrie indignée :

C’est pour une rivale !

L’art de Racine est supérieur, mais la pensée est identique.

Remarquons, dans la Veuve, l’agréable protestation d’une jeune fille contre les mariages impérieusement conclus alors par la volonté des pères :

Il faut que nos désirs toujours indifférents Aillent sans résistance au gré de nos parents Qui m’apprêtent peut-être un brutal, un sauvage, Et c’est ce qu’on appelle une fille bien sage ! Et dans la même pièce ce fin tableau des variations d’une âme éprise :

Un esprit amoureux, absent de ce qu’il aime,
Par sa mauvaise humeur fait trop voir ce qu’il est :
Toujours morne, rêveur, triste, tout lui déplaît.
A tout autre propos qu’à celui de sa flamme,
Le silence à la bouche et le chagrin en l’âme,
Son œil semble, à regret, nous donner ses regards :

. . . . .


Mais auprès de l’objet qui possède son cœur,
Ses esprits ranimés reprennent leur vigueur,
Gai, complaisant, actif, etc.

Combien de fois, dans ces comédies où il n’est question que d’inclinations vraies ou fausses, ne pourrait-on relever des observations délicates, mélancoliques, railleuses, profondes souvent ! Tantôt le poète se refuse à croire qu’on puisse peindre l’amour sans l’avoir jamais ressenti :

Il n’en faut point douter : l’amour a des tendresses
Que nous n’apprenons point qu’auprès de nos maîtresses ;