Aller au contenu

Page:La Nouvelle Revue, volume 102 (septembre-octobre 1896).djvu/80

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ou bien il s’écrie sur un mode plus sévère :

La force de l’amour paraît dans la souffrance !

et encore il fait dire à un amant éploré ce vers délicieusement lyrique :

Et tout me sera doux pourvu que je te voie !

Il exprime les indulgences de la passion en quelques mots vibrants :

Celle que nous aimons jamais ne nous offense :
Un mouvement secret toujours prend sa défense :
L’amant souffre tout d’elle et, dans son changement,
Quelque irrité qu’il soit, il est toujours amant.

Ailleurs il flétrit énergiquement les calculs qui provoquent tant d’unions mondaines :

Qui regarde les biens ou la condition
N’a qu’un amour avare ou plein d’ambition
Et souille lâchement par ce mélange infâme
Les plus nobles désirs qu’enfante une belle âme !

Enfin il résume dans un vers tourné en manière de proverbe la règle générale qui s’applique à tous les amours réels ou de comédie :

Et pour se faire aimer, il faut se rendre aimable.

S’il est évident par ces exemples, qu’on pourrait multiplier, que le style de Corneille était dès lors infiniment supérieur à celui des auteurs en vogue, il faut bien reconnaître aussi qu’il n’a pas toujours cette claire et solide élégance. Il ne se dégage que par intermittences de la galanterie quintessenciée, de la casuistique pédante et obscure, des déclamations interminables, et même il recherche ces jeux de mots si admirés alors, connus sous le nom de « pointes ». Je sais bien qu’il s’en excuse dans une préface et même qu’il en a signalé l’inopportunité et le ridicule :

Vous êtes en colère et vous dites des pointes !

Ce vers était la condamnation de ce genre d’esprit et l’on s’étonne que le poète, n’étant pas dupe de ces parures fausses, n’ait pas laissé d’en user en maint endroit ; c’est ainsi qu’il dira :

J’idolâtre un soleil et n’ose voir le jour !