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LA NOUVELLE REVUE

mettre en relief. Et je ne sais pas si je me trompe, mais j’ai l’impression que nous sommes, vous et moi, en pleine communauté d’idées sur ce point, que vous avez fait, en lisant ce manuscrit, les mêmes réserves que moi-même et qu’enfin vous avez songé, en demandant à un de vos assidus lecteurs, cette critique préalable, à dégager votre responsabilité… Qui dirige une grande Revue a, jusqu’à un certain point, charge d’âme. Plaire aux abonnés n’est pas tout ; on redoute encore d’égarer leur jugement en l’aiguillant dans une fausse direction ; on s’effraye encore à la pensée de froisser en eux des susceptibilités respectables, des sentiments délicats…

Je ne voudrais pas être injuste envers l’auteur du « Roman d’un Rallié » en laissant croire qu’il a volontairement passé outre à de telles préoccupations ; au contraire on sent en lui une grande sincérité et une ampleur d’enthousiasme qui rassurent tout à fait sur ses intentions et j’ai beaucoup goûté certaines parties de son œuvre, à cause de cela précisément…

Tout à l’heure je critiquais son procédé, c’est que nous sommes habitués à lire un roman comme nous regardons un tableau, tout d’une haleine, en le détaillant d’abord, puis en cherchant une impression d’ensemble. Ici point de tableau ; une série d’aquarelles enfermées dans un porte-feuille ; aquarelles très suggestives, très variées, mais entre lesquelles il faut réfléchir pour trouver le lien.

Voilà, madame, la consultation que vous m’avez fait l’honneur de me demander : je compte sur votre obligeance et sur votre bonté pour que l’auteur du « Roman d’un Rallié » n’en veuille pas à ma franchise.

S. V. R.