— Elle devient… mûre.
— Sans désarmer… Dis donc, Marianne, est-ce qu’on te la donne comme chaperon ?
— Mais je ne l’accepterais pas ! répondis-je avec une vivacité qui égaya Maxime.
— Tu ferais bien… D’ailleurs… — il hésitait — une fille sagace et délurée comme toi peut deviner bien des choses…
— Oh ! je l’exècre, cette Laforest !
Je me rappelais la scène que j’avais surprise le jour de ma première communion et j’admirais la reconnaissance que les hommes gardent à leurs anciennes maîtresses. J’eus un matin plaisir à feindre l’ingénuité.
— Mais toi, Maxime, je croyais que tu l’aimais beaucoup, Mme Laforest !
Il rit encore :
— Qui t’a dit ça ?
— Je le sais…
— Tu as deviné ça toute seule ?
— J’ai vu tant de choses ! dis-je d’un ton las.
— Vieux philosophe ! répliqua-t-il… Tu me feras des confidences, petite… Dis, nous serons bons amis ?
— Je veux bien… mais quant aux confidences…
— Tu te méfies ?
— Mes petits secrets te paraîtraient bien puérils… Tu dois mépriser les jeunes filles.
— Elles m’assomment, en général… Mais toi, tu ne ressembles pas aux autres, je le parierais… Tu as des yeux !… des yeux !…
— Bons pour pleurer.
— Des yeux qui doivent regarder la vie en face… J’aime les esprits vaillants… et toi, petite, tu es énergique, je le devine… Pauvre Marion ! J’imagine ton existence chez mes ancêtres… Le chant, hein ? les visites, les convenances, la bohème bourgeoise et les sentiments religieux mêlés ! Tu as bien un petit amoureux, ma chère ?
Je haussai les épaules. Il riait toujours, de son rire sans gaieté…
— Ah ! je voudrais bien savoir ce qui se passe dans cette tête ! dit-il en posant son index sur mon front… Es-tu romanesque ?