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LA NOUVELLE REVUE.

— Tu ne me trouves pas méchant ?

— Non, tu ne m’effrayes plus. Courage, Maxime, tu réussiras et nous nous réjouirons ensemble. La vie n’est pas gaie : que notre amitié nous aide à la vivre. Je ne te manquerai jamais.

— Tu es bonne, murmurait-il, tu es bonne.

— Je te consolerai dans tes chagrins. Je serai ta petite sœur sincère et fidèle et tu seras mon frère au cœur indulgent. Je sens si bien que tu n’es pas heureux, cher Maxime !

— Parle-moi ainsi, parle encore ! dit-il en appuyant sur son front ma main qu’il avait reprise. Tu ne sais pas le bien que tu me fais.

Mais la compassion n’a pas l’éloquence de l’amour. Je me tus, vaguement troublée par cette mélancolie trop tendre qui me révélait un nouveau Maxime. Confuse, victorieuse, saisie d’un malaise intolérable, j’aurais voulu fuir cet homme que je sentais en mon pouvoir. Mon silence l’avertit que son émotion n’était qu’à demi partagée. Il se ressaisit aussitôt.

— Oui, tu es bien gentille dit-il en lâchant ma main et en se levant, et je suis, moi, bien ridicule. Allons, Marion, au revoir. N’oublie pas de m’écrire. Il faut que je te chasse ; papa s’impatienterait.

Il souriait, hautain et tranquille, mais je n’étais pas dupe de sa fausse sérénité. La porte refermée sur moi, au milieu de l’escalier, je me surpris à prononcer tout haut avec stupeur

— C’était cela, c’était donc cela !

Par la fenêtre grillée j’apercevais mon tuteur empilant les pommes dans un panier, sur l’herbe jaunie de la pelouse. La servante secouait les branches. Mme Gannerault, assise sur un pliant, les regardait. Et il me semblait que je prenais contre elle et contre lui une revanche inespérée et terrible. J’étais sûre que Maxime m’aimait.

(À suivre.)

Marcelle TINAYRE.