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LA NOUVELLE REVUE.

— Je n’aurais pas dû parler… Nous ne pourrons plus être amis.

— Pourquoi ?

— Tu me feras souffrir…

— Me crois-tu coquette et méchante ?…

— Non, pas méchante,… non ;… mais tu es trois fois femme, toi ! Comment ai-je pu me laisser prendre ainsi ?

— Je n’ai rien fait pour cela…

— Tu as aguiché Montauzat… Ah ! Marianne, je t’ai haïe !… Si tu savais…

Je lui pressai doucement la main…

— Pardon, Maxime !

Il semblait agité par des sentiments contraires. Je voulus le calmer.

— Mon amitié…

— Oh ! dit-il, l’amour déteste l’amitié !… Toi, Marianne, mon amie !… À dix-neuf ans, avec ces yeux-là !…

Il retira sa main :

— Quelle folie ! Tu vas bien rire !… Car si tendre, si intelligente, si délicate que soit une femme, elle n’est jamais généreuse tout à fait… Je vais devenir le pantin dont tu tiendras les ficelles… Oh ! dire que le repos de mes nuits, le calme de mes jours, mon talent, ma vie seront dans les mains d’une petite fille !…

— Tu parles comme si je te détestais !

— Ah ! s’écria-t-il, pourquoi ne me détestes-tu pas ? Je pourrais te conquérir !…

Et redevenant suppliant et tendre :

— Marianne, je t’aimerais tant !… Oh ! écoute ton cœur, s’il parle jamais pour moi… Ne sois pas effrayée de ma rudesse. Je me ferais si doux !… Dis, si j’étais libre, si j’étais riche, si j’étais illustre, m’aimerais-tu ?…

— Maxime, si je dois t’aimer, je t’aimerai inconnu et pauvre…

— Essaye ! dit-il en me baisant les mains…

Ses lèvres effleurèrent mon poignet, remontèrent vers le coude… Je murmurai :

— Mais j’aime toujours Rambert !…

— Eh bien ! dit-il en se levant, j’aurai de la patience… Je suis terriblement obstiné, ma chérie… Je veux que tu m’aimes,… tu m’aimeras…

— Je voudrais t’aimer ! La solitude me pèse… Peut-être à