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LA NOUVELLE REVUE.

subtile, sa nervosité, ses frissons… « Marianne, tu m’aimeras ! oh ! ma douce, ma chère Marianne, amie indulgente à ma chimère, répète-moi les mots qui m’empêcheront de souffrir ! — Maxime, je voudrais t’aimer !… » Il se laissait glisser à genoux et je ne savais quelle hantise le forçait à chercher l’oubli, la nuit, l’anéantissement de la pensée et du désir dans les plis de ma robe, au creux de mes genoux, dans la douceur de ma poitrine… Il souffrait d’une souffrance qui échappait à ma puissance consolatrice et sur son orgueil vaincu, sur sa tristesse et sa faiblesse, je laissais descendre ma pitié… Et voici que peu à peu la nostalgie de l’amour me gagna, contagieuse et dissolvante… Les baisers incertains de Maxime multiplièrent la suggestion d’autres baisers et j’oubliai la bouche qui me donnait ces baisers pour savourer les baisers mêmes… Sur le cœur du jeune homme, je parus m’attendrir et m’enivrer, d’autant plus docile que je me sentais plus étrangère… Le souvenir de Rambert m’obséda. Et la curiosité me prit, âpre, invincible, de savoir ce qu’était devenu le musicien…

Un jour, je me confiai à Maxime…

— Écoute, lui dis-je. Peux-tu me donner une grande preuve d’amour ?

— Demande tout ce que tu voudras, ma chérie…

— Eh bien !… je voudrais,… je voudrais…

Je n’osais achever. Maxime me prit la tête entre ses mains et me regarda dans les yeux

— C’est donc bien difficile à réaliser, ce rêve ? Mais, mignonne, pour un amoureux bien amoureux, l’impossible n’existe pas.

— Je voudrais savoir ce qu’est devenu Rambert.

Maxime recula…

— Et comment pourrais-je ?…

— Tu peux facilement savoir s’il est encore à Paris,… s’il est marié…

— S’il a des maîtresses,… ajouta-t-il ironiquement… Un joli rôle, en vérité, que tu me proposes !…

— Tu vois bien,… tu ne veux pas…

— Rambert ! toujours Rambert !… Qu’a-t-il fait, qu’a-t-il dit pour s’imposer ainsi à ta pensée ? Tu crois l’aimer vraiment !

— Je l’aime…

— Tu es une gamine romanesque… et tu oublies que je t’aime, moi.