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AVANT L’AMOUR.

— Bien ! N’en parlons plus ! dis-je, un peu irritée…

— Tu exiges trop… Le dévouement n’exclut pas la fierté. Ce que tu me demandes, aucun amant ne l’a jamais fait… Pardieu ! Faudra-t-il que j’ouvre la portière de votre voiture, le soir de tes noces, quand tu t’en iras avec ton Rambert ?…

Il parlait avec un accent de haine qui me choqua désagréablement. Je haussai les épaules…

— N’en parlons plus ! Mais je saurai que pour toi, comme pour le commun des mortels, l’impossible existe.

— Je ne ferai pas un métier de laquais.

Deux jours après, je recevais le billet suivant :

« Je suis allé chez Rambert sous prétexte de lui acheter une partition. Ton amoureux est absent. Il n’est pas marié… Tu sais maintenant ce qu’il t’importait de savoir et tu ne m’en aimeras pas davantage. »

— Ah ! pauvre Maxime ! m’écriai-je, les larmes aux yeux.

Je lui écrivis une lettre plus affectueuse que les récentes lettres où j’invoquais sans cesse la prudence et la raison. Mais, à ma grande surprise, Maxime accueillit fort mal mes remerciements. Il me gardait rancune de l’étrange faiblesse qui l’avait décidé à une démarche quasi humiliante. Je sentis que malgré ses dénégations l’espoir d’être aimé persistait en lui et que sa patience s’épuisait dans l’attente. Orgueilleux et sensuel, il subissait une crise sentimentale qui ne pourrait pas durer sans susciter soit le péril, soit la rupture… Mais la rupture m’effrayait plus que le péril.

XII

Le rideau s’était levé sur le premier acte de Roméo et Juliette. Maxime n’était pas encore arrivé, et dans la loge, offerte par M. de Montauzat, sa place vide me causait un malaise. Nous nous étions quittés la veille, après une longue discussion, sur un adieu aigre-doux, avec des regards de colère. J’espérais, entre deux actes, ébaucher la réconciliation.

Un remords me venait d’avoir été coquette, capricieuse et dure après une période d’exquise douceur, après des indulgences qui ressemblaient à des encouragements. Maxime était malheureux. Je le savais engagé dans toutes sortes d’embarras financiers