Page:La Nouvelle revue. v.103 (Nov-Dec 1896).djvu/366

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nature. Et peu à peu, de baisers en baisers, notre liaison dévia, changeant de caractère, à mesure que s’abolissaient ma confiance et le respect de mon amant. Proclamant le droit au plaisir, raillant les préjugés dont la pudeur se fortifie, Maxime n’était ni assez pur, ni assez noble, pour me chérir sans me dépraver. Ses leçons portaient leurs fruits et une terreur me prenait quand je me sentais devenir pareille à lui, inconsciente, orgueilleuse et cynique. Certes il m’avait aimée autrement sous les saules des Yvelines, au bord du ruisseau, dans les bois d’automne violacés par le soir. Il avait subi l’inévitable crise sentimentale ; mais l’irritante volupté de la lutte et de la conquête, la certitude de la possession, tout ce que les caresses incomplètes ont de trouble et de douloureux, exaspéraient en lui une sensualité sans tendresse. Convaincue que la brutale énergie réussirait où avait échoué la douceur, il me traita comme ces femmes qui aiment à s’humilier et adorent la main qui les frappe. Ses sarcasmes le vengèrent de mes refus. Pourtant un lien subsistait entre nous ; le souvenir des baisers m’attachait à lui et je m’efforçais d’aimer Maxime pour n’être point obligée de me mépriser tout à fait.

— Il faut bien que je l’aime, puisque je lui ai tant donné de moi-même !

Hélas ! plus se resserrait l’équivoque intimité, mieux je sentais qu’il me serait difficile de me donner tout entière, sans que cet abandon revêtit l’aspect d’un sacrifice. Loin de Maxime, par les nuits orageuses, l’obsession de l’amour tendait mes bras vers lui, ouvrait ma bouche à sa bouche invisible, domptait mes répugnances et pliait ma volonté. « Il a raison, me disais-je. Pourquoi attendre ? »

— Es-tu sûre d’aimer ? répondait mon cœur. Hélas ! quand le jeune homme me reprenait dans ses bras, quand je m’étais enivrée à l’enivrer, quand j’appelais le vertige, ma factice et brève ardeur tombait d’un coup. Je comprenais que Maxime n’en était que le prétexte et l’occasion et que sur ces lèvres familières mon rêve baisait un inconnu. Cependant Maxime me suppliait. Il défaillait presque de désir et d’impatience. À ses prières, une volonté mystérieuse opposait mes pleurs et mes remords. Alors éclataient des scènes où nous nous renvoyions l’un à l’autre les plus blessantes accusations. Je ne pouvais lui pardonner l’humiliation où j’étais réduite ; je l’accusais de me dépraver. Il jurait de se venger de mes dédains par un acte de violence. Mais il me