Page:La Nouvelle revue. v.103 (Nov-Dec 1896).djvu/367

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connaissait trop bien pour compromettre les joies qu’il escomptait. Il pensait que son heure viendrait, que je perdrais la tête un jour ou l’autre, mon consentement assurant à ses rancunes un double triomphe et de moins périlleux plaisirs.

XV

— Et madame de Charny ? dis-je brusquement à Maxime, un jour où, plus tendre que de coutume, il racontait ses nostalgies et ses regrets.

— Que vient faire Mme de Charny entre nous ? Je devrais te reprocher cette évocation maladroite, Marianne, je n’aime que toi…

— Vraiment ? dis-je, avec une ironie où perçait je ne sais quelle aigreur. Il me semble que tu fais traîner la rupture.

— Me ferais-tu l’honneur d’être jalouse ? J’en suis très flatté.

Je regardai Maxime dans les yeux :

— Je ne suis pas jalouse, mon cher, je suis étonnée désagréablement.

Ce sujet de conversation déplaisait à Maxime. Les sourcils froncés, un dur éclat dans ses prunelles, il m’écarta de lui.

— Ma chère Marianne, je ne puis ni ne veux me conduire comme un goujat.

— J’admire ta délicatesse. Mais comment cette excessive délicatesse s’accommode-t-elle de la situation ? Tu m’aimes ; tu me répètes que nous sommes liés, que je suis ta fiancée — plus que ta fiancée. Ton amour ne mesure plus ses exigences. Et quand tu viens au rendez-vous, tu apportes le souvenir de ta maîtresse — la vraie, celle-là ! Ma bouche essuie tes baisers, et je le sais. Non, Maxime, je ne puis supporter cette pensée. Ma fierté se révolte. Tu humilies la femme qui t’aime et celle que tu dis aimer. Il faut prendre un parti. Choisis.

Il resta silencieux un long moment. Debout devant lui, je l’étudiais du regard, bien résolue à provoquer une explication définitive. Il tenta de plaisanter :

— Tu n’as pas l’air tendre. Depuis quelques jours tu me traites mal. Si ton mauvais caractère ne doit point me consoler des scènes que me fait la pauvre Mme de Charny, je serais bien naïf de me séparer d’elle.