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LA NOUVELLE REVUE.

national à sauvegarder ou un concitoyen à protéger. Alors ils confectionnent des mémoires où la franchise des termes le dispute à l’énergie de la pensée et entre les lignes desquels on aperçoit la silhouette de ce puissant despote qui s’intitule « le peuple et le gouvernement des États-Unis d’Amérique », formule qui rappelle, en plus vrai et en plus fort, car ici il s’agit d’une démocratie de 70 millions d’hommes, le fameux senatus populusque romanus devant qui des siècles ont tremblé.

De toutes les publications par lesquelles la diplomatie américaine a scandalisé les chancelleries, l’une des plus étonnantes, à coup sûr, est le Manifeste d’Ostende. On résume ainsi un document qui porte la date d’octobre 1854 et dont le texte fut arrêté par les ministres des États-Unis à Paris, à Londres et à Madrid. Ils se réunirent en conférence sur l’ordre du président Pierce, à seule fin de porter à la connaissance de l’Europe, et cela en termes appropriés, la « violente amour » que les États-Unis avaient conçue pour l’île de Cuba, cette perle des Antilles, et leur résolution de se l’approprier, en la payant le moins cher possible. Sous la présidence de Polk ils en avaient offert 500 millions de francs ; c’était une belle somme, mais l’Espagne préférait garder Cuba. En 1851, Lopez, un aventurier, était parti de la Nouvelle-Orléans avec cinq cents hommes déterminés pour soumettre l’île ; avant lui, d’autres expéditions du même genre s’étaient organisées dans le même but et sans succès. Lopez échoua, lui aussi, le cabinet de Washington ayant jugé honnête, avant d’encourager une telle tentative, de prévenir l’Europe. Ce qui fut fait par le manifeste d’Ostende. On y établissait avec une logique imperturbable qu’il n’y aurait de paix et de sécurité pour la République que lorsque Cuba en ferait partie intégrante. Cette audace ne produisit aucun effet ; le procédé était si naïf et la prétention si exorbitante, que le manifeste d’Ostende souleva une hilarité générale. Aux élections de 1856 et de 1860, l’annexion de Cuba n’en figura pas moins dans les programmes du parti démocrate ; la guerre de sécession survint à propos pour tirer l’Espagne d’un mauvais pas. Vers le même temps un nouveau parti entra en scène qui eut une existence éphémère, mais influença néanmoins l’opinion. Ses membres, organisés en sociétés secrètes, s’engageaient à favoriser en tout les Américains d’origine au préjudice des naturalisés ; ils devaient surtout écarter les candidatures de ces derniers aux élections ; en dehors