à l’instant où une angoisse exquise va se glisser dans notre cœur, le regard retrouve les maisons des dieux et s’arrête, comme un chant au point d’orgue, sur la grandeur immatérielle des temples.
On ne visite pas Ségeste : on la découvre. Et, grâce au ciel, ce lieu sublime échappe encore à la plupart des passants. On y va comme au désert ; et il n’y a point d’oasis, si on y reste. Pour arriver à Ségeste, on double le Mont Barbaro et une autre butte, les Trois Croix. On monte à Calatafimi. Tout ce pays est punique, arabe, africain ; mais, dès qu’on s’élève sur la hauteur, la mer grecque est là, éclatante, étincelante, le sourire et la présence d’Hélène. En plaine, la contrée est méchante, d’une cruauté altière ; elle se défend contre l’étranger ; et toute la vie présente lui est sans doute étrangère. Le sol se hérisse de cactus et d’épines. Aigus, les cailloux ; dure, la boue roidie en pierre. La terre fauve est faite de mille pattes de lions, qui tirent leurs griffes. Les ombres sont vert de gris. Les orties ont des yeux, un regard de côté qui médite l’égratignure. Les raquettes dardent des dents pointues. Le torrent, qui fait un ru de pierre dans les rides de la terre, a nom Caldo, ou le Chaud. Il a l’air d’une cicatrice sur une blessure. Une odeur de fenouil, de thym et d’herbe brûlante rampe en fumée sur les peaux desséchées de la contrée inerte.
Je ne sais quelle magie sépare Ségeste de tout le reste. Sur la route, quand on descend de Calatafimi, on