devient farouche. La paix n’est pas toujours débonnaire.
Vérité et beauté sont les deux profils de ce visage, péristyle et façade. La sublime pensée qui porte le monde, qui l’engendre et le laisse tomber, sans plus s’en soucier, ne peut avoir une autre figure. Tout est nécessaire à Ségeste, étant l’harmonie parfaite dans la parfaite énergie.
Rien ne me restitue à l’espèce humaine, que les courbes vivantes du théâtre et leur mystère : car, malgré soi, on se demande quel drame de quel Eschyle peut se mouvoir sur cette scène. Où est la tragédie qu’on y voudrait entendre ? Je cherche, et ne m’arrête même pas à Prométhée.
Je pensai d’abord à la Réconciliation de Zeus et du Titan ; mais quel accord se peut faire entre eux, quelle paix sincère ? Zeus meurt de s’avouer vaincu. Et Prométhée vainqueur doit mourir de sa victoire ; tant il en fait fi, et tant son règne est lié à sa douleur. La fin du sacrifice en est l’oubli. Faire le bonheur et la science des hommes, leur porter le feu, donner à ces pauvres misérables l’illusion qu’ils en ont fini avec leur misère, soit. Mais croire en eux ?
Les dieux qui vieillissent sont des dieux qui meurent. Si l’homme n’était pas si éphémère, il se verrait entouré de dieux morts. « Bien des dieux sont morts », disait Héraclite. Leurs maisons durent plus qu’eux. Et leur drame inconnu à la foule, à l’écume qui s’élève et se dissout sans cesse sur les vagues du temps, couvre l’espace.
À Ségeste, j’assiste aux plus profondes, aux plus augustes obsèques : allant du théâtre au Temple, je crois voir la Mort de Zeus et ses funérailles.