Page:La Pentecôte du Malheur.djvu/20

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pour les nègres et une région moyenne réservée aux Indiens ; mais le reste est Deutsche Gebiete. Le Canada est occupé principalement par des Indiens. Ce qui a attiré mon attention sur ces choses, c’est qu’une des jeunes amies de Katherine lui a demandé si elle était de race nègre ou indienne ; et comme elle répondait qu’elle n’était ni de l’une ni de l’autre, son amie lui fit remarquer que c’était impossible, puisqu’elle n’était certainement pas Allemande. » Je m’abstiendrai de citer des choses moins risibles, touchant à la morale, que l’on enseigne dans les écoles allemandes.

Pendant quarante ans l’Allemagne, derrière sa muraille, a appris et répété les incantations prussiennes. Cela rappelle ces cérémonies sauvages où les assistants, par leurs cris et leurs mouvements rythmés, s’excitent jusqu’à la frénésie. C’est ce qui est arrivé à l’Allemagne. Dans son isolement moral sa vue s’est troublée, elle a perdu le sentiment de la proportion ; elle est en proie à des hallucinations ; elle est hypnotisée par sa propre grandeur, par la mission de sa Kultur, son mépris pour le reste de l’humanité, son grief contre le genre humain qui s’est ligué pour l’étouffer et la supprimer.

Ces illusions ont été suivies de leur Némésis : l’Allemagne s’est méprise sur nous tous, sur tout ce qui est en dehors de sa muraille, choses et gens.

Comme les nains ensorcelés des vieux contes de fées, dont les propos révèlent la tragique destinée, bien qu’eux-mêmes n’en aient pas conscience, les Allemands se trahissent constamment par les aveux les plus naïfs et les plus grotesques, témoin cet ambassadeur allemand qui, au moment où il quittait l’Angleterre, disait tristement à ceux qui l’escortaient et l’engageaient à ne pas se désoler, puisqu’il n’était pas responsable de la guerre :

— « Ah ! vous ne comprenez pas ! Mon avenir est brisé. On m’avait envoyé pour observer l’Angleterre et indiquer à mon souverain le moment opportun pour frapper, c’est-à-dire le moment où les désordres intérieures la mettraient dans l’impossibilité de lutter contre nous. Je lui ai dit que ce moment était venu. »

Témoin encore cet Allemand qui, à Bruxelles, disait à un américain :

— « Nous avons été sincèrement fâchés pour la Belgique ; mais nous estimons qu’il vaut mieux la voir souffrir et même disparaître que de voir notre empire, qui est bien plus vaste et plus important, torpillé par nos déloyaux ennemis. »

Témoin aussi le Docteur Dernburg, qui nous explique pourquoi l’Allemagne a dû assassiner onze cents passagers du Lusitania :

— « Jusqu’à présent, on avait l’habitude de mettre en sûreté les passagers et l’équipage… Mais un sous-marin est un bateau fragile qui peut facilement être éperonné, et un navire rapide est capable de lui échapper. »

L’Allemagne, pas plus que les nains, ne se doute de l’idée que donnent d’elle à ceux qui les entendent, de l’autre côté de la muraille teutonne, des paroles aussi naïves ; elle ne se doute pas qu’elle a fait un retour en arrière jusqu’à l’âge de pierre et que