Page:La Phalange, tome 3, 1846.djvu/67

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Un soir, j’allais songeant par la vieille Allemagne ;
Le vent seul murmurait dans sa blonde campagne ;
Une douce vapeur flottait sur les sillons,
Et, des agrestes toits cachés dans les vallons,
La fumée élançait sa spirale légère,
Du retour au foyer fidèle messagère.
C’était l’heure où revient de la mure moisson,
La gerbe sur l’épaule, aux lèvres la chanson,
Le travailleur joyeux. — Dans la mousse arrondie
Déjà l’oiseau lassé taisait sa mélodie ;
Je songeais, contemplant, dans son calme élevé,
Cette terre de Goethe où Schiller a rêvé.
Ô berceau pacifique ! ô terre vénérable !
Je m’incline devant ta face inaltérable !
Je te salue, ô toi qui vis avec amour
Ta chère Marguerite ouvrir ses yeux au jour !
Ainsi disais-je alors, et j’allais, l’âme émue,
Semblable à l’arbrisseau qu’un souffle frais remue,
J’allais, et poursuivant le songe et le chemin,
Sur mon cœur agité je retenais la main.
...............

Le foyer paternel avec ses douces fêtes,
L’amour et le repos, sont-ce là vos prophètes ?
Où j’ai cherché toujours une ombre m’aveugla ;
Mais j’ai cru vous entendre, ô Seigneur, ce soir-là !
Non, non, vous habitez par-delà nos natures,
Et vous ne parlez plus aux pauvres créatures…
Ô silence ! ô repos taciturne et pesant !
Je sentis tout mon cœur mourir en frémissant.
Écrasé sous le poids de ma lourde amertume,
Balayé par le vent comme il fait de l’écume,
Sur la face du globe errant de flots en flots,
Je tombai sur la pierre avec de longs sanglots,
Et de mon front glacé l’intérieur orage
Brilla mes yeux ardents de ses larmes de rage !
Seigneur, que j’ai cherché sans te trouver jamais,
Ô mon maître, rends-moi les beaux jours que j’aimais !
Réchauffe à ton soleil cette tête courbée
Du poids de cent hivers, où leur neige est tombée !
Rends-moi, rends-moi, Seigneur, mon bel âge amoureux !
Jusqu’à mon cœur gonflé, comme un flot généreux,