Page:La Phalange, tome 3, 1846.djvu/68

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Fais remonter le sang de ma fière jeunesse,
Et qu’un cri de bonheur sur mes lèvres renaisse !
Peut-être bien, Seigneur, est-ce la volupté
Et ses baisers sacrés qui font l’éternité !
Hélas ! tout m’a manqué dans les cieux et sur terre…
Hélas ! je meurs maudit, ignorant, solitaire…
Et la volupté même, ô Seigneur, m’a caché
Le souffle avec la vie : et je vous ai cherché !


L’esprit de la terre.


Silence ! — Apaise enfin ton cri pusillanime.
Ce monde que je guide et que mon souffle anime,
Dans sa route éternelle emporté gravement,
Se trouble au morne écho de ton gémissement.
Silence ! ou sache mieux, dans ta plainte élargie,
Des maux universels déplorer l’énergie.
Souffrir d’un mal sublime est le sort glorieux
De qui, comme un guerrier, monte à l’assaut des cieux !
Vois ! tel je souffre aussi, tel que toi je soupire
Vers la sainte beauté d’un idéal empire ;
Et cependant, voici, comme un coursier dompté,
Que je m’attelle au globe ; et, dans l’immensité,
Je marche, tout baigné d’une sueur profonde,
Haletant et courbe sous la charge d’un monde !
Cesse ta morne plainte, et songe, Humanité,
Que les temps sont prochains où, de l’iniquité,
Dans ton cœur douloureux et dans l’univers sombre,
Les rayons du bonheur s’en vont dissiper l’ombre.
Pour des astres nouveaux les cieux s’élargissant,
Divins consolateurs du globe gémissant,
D’un lumineux amour vont éclairer sa face,
Et l’étroit horizon dans l’infini s’efface !
Ô roi prédestiné d’un monde harmonieux,
Marche ! les yeux tendus vers le but radieux !
Marche à travers la nuit et la rude tempête,
Et le soleil demain luira sur ta conquête !
Ô sainte créature aux désirs infinis,
Que de trésors sacrés à tes pieds réunis,
Pour prix de tes douleurs et de ton saint courage,
Vont racheter d’un coup tes longs siècles d’orage !