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L’âme de Christian Andersen


A vingt ans Andersen était reçu dans une très intellectuelle famille de Copenhague. Un jour, la maîtresse de maison déplia devant lui la « Poste Volante », ce recueil périodique que dirigeait alors l’excellent poète Heiberg. Aussitôt elle ne put retenir une exclamation : « Ah ! les beaux vers ! » Et elle ajouta :

— Cette fois Heiberg n’a pas voulu signer.

Il y eut quelques sourires. Andersen se découvrit. On fit silence. L’impression devait être excessivement pénible.

Le fait est doublement significatif. Il prouve en quelle faible estime les lettrés danois tinrent tout d’abord le génie de Christian Andersen. Il révèle aussi que ses premiers essais loin de lui constituer une personnalité littéraire le faisaient tituber assez maladroitement dans les ornières sentimentales laissées par les Baggesen, les Heiberg et les Oehlenschlager.

Andersen ne supposa pas immédiatement sa destinée. Dès l’enfance, sa mère, en le voyant construire un théâtre de marionnettes assurait aux voisins qu’il montrait quelques dispositions pour être « tailleur. »

Plus tard le musicien Siboni l’engageait à parfaire son instruction afin que le soprano remarquable dont il était doté n’indisposât point le public par une prononciation bizarre ou des liaisons injustifiées.

L’altitude d’Andersen ne démentait guère ces appréciations. Il