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et de propriété ? On se laisse tromper par une fausse analogie ; on applique à la propriété littéraire des règles et des usages qui ne conviennent qu’à la représentation des pièces de théâtre.

On comprend que dans la représentation d’une pièce de théâtre, le succès soit la base de la rémunération. Là, il s’agit uniquement d’amuser ou d’intéresser le public, et l’auteur qui est joué cent fois touche une somme dix fois plus forte que celui qui n’obtient que dix représentations.

Mais les livres se produisent dans des conditions toutes contraires. Ils ont chacun un public, mais un public différent. Les Misérables s’adressent à toute la France, comme ferait une œuvre de théâtre ; mais un livre d’astronomie, de mathématiques, de physique, d’érudition, d’histoire littéraire, n’a ni le bruit ni l’éclat d’un roman. Ce n’est qu’à la longue et avec de grandes difficultés qu’il attire l’attention des lecteurs et qu’il conquiert des acheteurs. Supposez que ce livre subsiste encore après un siècle, et qu’il ait un propriétaire ; on peut le réimprimer à petit nombre, à prix élevé, de façon à donner à l’héritier une rétribution honorable. Mais 3 pour 100 sur un ouvrage tiré à trois ou quatre cents exemplaires, c’est une dérision.

Payer inégalement des livres qui ont, je ne dirai pas une valeur, mais un débit inégal, c’est, ce semble, la véritable égalité, parce que c’est la véritable justice. Assujettir au même tarif le compilateur d’une encyclopédie et les héritiers de la Rochefoucauld ou de Vauvenargues, donner 3 pour 100 sur un dictionnaire qui se tirera à grand nombre, payer au même taux un mince volume de Malebranche ou de quelque autre philosophe ; en d’autres termes et pour traduire en chiffres, donner à l’un 3000 francs sur un