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à craindre que ces excès ne puissent être prévenus par l’application des lois communes. Des mesures de rigueur exceptionnelles peuvent seules mettre un terme à des violences qui, sur plusieurs points des provinces désignées par l’article LXI, sont un perpétuel danger pour les biens, l’honneur et la vie des Arméniens.

Par l’article LXI du Traité de Berlin, la Porte s’est engagée « à réaliser sans plus de retard les améliorations et les réformes qu’exigent les besoins locaux dans les provinces habitées par les Arméniens ». Les Soussignés ont le regret de constater que les réformes générales indiquées par la note du 5 juillet ne tiennent aucun compte des « besoins locaux » que signale l’article précité. Les Puissances accueilleront sans doute avec satisfaction l’introduction de larges réformes dans toutes les parties de l’Empire ottoman ; mais elles tiennent avant tout à l’entière exécution du Traité de Berlin, et elles ne peuvent admettre que la Porte se considère comme libérée des engagements qu’elle a contractés de ce chef en proposant une réorganisation dans laquelle ne figure aucune des réformes spéciales stipulées au profit des provinces spécifiées par ce même Traité. Le caractère particulier de ces provinces étant, d’ailleurs, la prédominance de l’élément chrétien, dans des districts d’une grande étendue, toute réforme qui ne tiendrait pas compte de ce fait ne saurait aboutir à un résultat satisfaisant.

Les Soussignés estiment qu’il est également indispensable de tenir compte d’une autre particularité que présentent ces mêmes provinces. La Porte paraît vouloir appliquer un même règlement aux Arméniens et aux Kurdes. Il convient, avant tout, de les séparer administrativement, autant que cela est pratiquement possible, vu l’impossibilité absolue de régir de la même manière les populations sédentaires et des tribus à demi nomades. La distribution des communes et des groupes administratifs en général, devrait par suite, se faire de façon à réunir le plus d’éléments homogènes possibles ; elle devrait tendre à grouper les Arméniens ou, au besoin, les Arméniens et les Turcs, en excluant les Kurdes. Par suite encore l’élément Kurde nomade, vivant dans les montagnes et ne descendant dans les plaines habitées par les chrétiens que pour y porter le désordre, ne devrait pas être compris dans les relevés statistiques qui détermineront la majorité des habitants dans chaque commune.

On peut supposer que la Sublime Porte a vu dans l’organisation communale proposée par la note du 5 juillet, le moyen de créer des groupes administratifs du premier degré dans lesquels la grande majorité des habitants appartiendrait à la même religion. Rien n’indique toutefois dans ce document que la Porte s’engage à appliquer ce principe.

Les Soussignés constatent avec satisfaction que le chef d’une commune, dans l’organisation projetée, doit appartenir à la communauté religieuse prépondérante ; mais l’absence d’une disposition analogue s’appliquant aux fonctionnaires d’un rang plus élevé, prouve jusqu’à l’évidence que les réformes proposées ne tiennent pas un compte suffisant des « besoins locaux » des provinces désignées par l’article LXI.

Le Gouvernement ottoman déclare « qu’il a déjà admis aux fonctions publiques des personnes honnêtes et capables, sans distinction de culte, et que désormais ce fait recevra une application plus large encore ». Cette déclaration est extrêmement vague, et les Soussignés pensent qu’il est