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d’autant plus nécessaire d’insister sur ce point que les Arméniens affirment que, dans les provinces où ils se trouvent en très grand nombre, il n’y a presque pas d’Arméniens dans les fonctions publiques. Leurs réclamations à cet égard paraissent d’autant plus légitimes qu’il pourrait se faire que la Sublime Porte plaçât à la tête de ces provinces des gouverneurs chrétiens sans qu’il en résultât une plus grande certitude, pour les Arméniens, de rencontrer plus d’équité et plus de justice dans l’administration.

Des mesures d’un caractère beaucoup plus large que celles qu’indique la note du Gouvernement ottoman sont donc nécessaires pour que la Porte s’acquitte des engagements qu’elle a contractés à Berlin.

L’insuffisance des réformes proposées est telle, en général, qu’il semble inutile de discuter les défauts du projet de la Porte. Les observations suivantes toutefois s’imposent en quelque sorte à l’esprit :

En déclarant, en premier lieu, que les administrateurs des communes devront être des fonctionnaires du Gouvernement, choisis par le pouvoir central parmi les membres élus du Conseil communal, au lieu d’être élus par le Conseil communal lui-même, la Porte affirme le principe de la centralisation jusqu’au dernier degré de la hiérarchie administrative.

La Porte a d’ailleurs omis de dire, en ce qui concerne les Administrateurs et les membres des Conseils de commune, s’ils seront nommés à titre viager ou seulement pour un temps. Elle ne dit pas davantage à qui appartiendra le droit de les révoquer de leurs fonctions en cas d’incapacité. Ce droit appartiendra-t-il au Conseil de préfecture qui les nomme ou à une autre autorité ?

La note ottomane, d’autre part, n’établit de distinction entre la gendarmerie communale et la gendarmerie provinciale, ni quant au mode de recrutement ni à d’autres points de vue. La gendarmerie communale ne diffère de l’autre qu’en ce sens qu’elle est placée sous les ordres du chef de la commune. Elle ne se recrute pas dans la commune même, parmi les habitants appartenant au culte prépondérant, et rien ne garantit qu’elle soit spécialement ce qu’elle doit être, c’est-à-dire une force défensive locale.

L’organisation de la gendarmerie provinciale ne répond pas davantage aux besoins locaux des provinces spécialement désignées par l’article LXI ; la clause d’après laquelle elle doit se recruter, en officiers comme en soldats « dans toutes les classes des sujets de l’Empire », est encore du caractère le plus vague. Il serait à désirer que les officiers et les soldats de la gendarmerie provinciale fussent recrutés dans la gendarmerie communale, c’est-à-dire parmi les gardes champêtres qui auront été choisis par les communes elles-mêmes. Ces gardes champêtres chargés de la défense des villages contre les incursions des Kurdes fourniraient à la gendarmerie provinciale un contingent proportionnel à la population de chaque commune. Substituée à l’arbitraire de l’administration provinciale, le principe de l’élection constituerait une garantie sérieuse pour la bonne organisation des forces destinées à assurer la sécurité publique.

La valeur des propositions relatives à la constitution d’une Cour d’assises dépend avant tout des conditions dans lesquelles cette Cour sera constituée, et la note du 5 juillet garde le silence à cet égard. Il paraît nécessaire de tenir compte de la prédominance de l’élément arménien dans certaines