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niens qui ensanglantèrent les provinces asiatiques (1895-1896). Ils dépassèrent en horreur tout ce que l’histoire avait enregistré de semblable. Plus de 100,000 Arméniens périrent. C’est une erreur de croire que ces massacres ont été l’œuvre personnelle d’Abdul-Hamid. Ils furent un acte de gouvernement où tous les hommes politiques ottomans eurent leur part. Voilà de quelle façon la Porte exécuta les réformes qu’elle avait promises aux Puissances et quelle fut la mission que Chakir Pacha eut à mener à bonne fin. En face de ces scènes épouvantables, la diplomatie européenne ne fit rien ou presque rien. Quelques voix généreuses s’élevèrent pourtant en faveur des Arméniens en France, en Angleterre et en Suisse et quelques sympathies leur furent exprimées en Russie. En réalité, les Arméniens étaient réduits à ne plus compter que sur eux-mêmes. Déjà, en 1895, le Zeïtoun s’était soulevé, et avait réussi à opposer une résistance heureuse aux troupes envoyées pour l’anéantir. En 1896, le désespoir poussa un groupe de révolutionnaires arméniens à organiser la manifestation retentissante de la Banque ottomane, qui fut suivie du grand massacre d’Arméniens à Constantinople. De nouveaux soulèvements eurent lieu plus tard à Sassoun et à Van. La nation arménienne vivait son agonie, lorsqu’à la suite de la proclamation de la constitution, elle crut enfin pouvoir respirer (1908).

Les Arméniens n’avaient jamais nourri de desseins politiques ; la sécurité de leur vie, de leur honneur, de leurs biens, la possibilité de travailler et de jouir du fruit de leur travail, le droit de conserver leur culture nationale formaient, comme ils la forment encore aujourd’hui, leur seule ambition. Les Jeunes-Turcs (Comité Union et Progrès) qui voulaient délivrer leur pays des mains d’Abdul-Hamid, ne pouvaient pas ne pas respecter des droits aussi élémentaires, des désirs aussi modestes. Ils en avaient pris, vis-à-vis du comité révolutionnaire arménien Daschnaktzoutioun, l’engagement solennel (entente de Paris, décembre 1907). À défaut d’une garantie meilleure, le rétablissement de la constitution, loyalement appliquée, avait été mis à la base de leur entente.

On sait comment cette constitution déçut les espérances qu’on avait placées sur elle. Ce n’est pas ici le lieu d’en rechercher les motifs. Les épouvantables massacres d’Adana, avec leur cortège accoutumé de pillage, de viols, d’outrages de toute sorte, montrèrent que le fanatisme religieux n’avait rien perdu de sa force sous le régime constitutionnel. Plus de 20,000 Arméniens de tout âge, enfants, vieillards, femmes, furent tués à Adana et dans les environs. Tous ceux qui avaient cru pouvoir vivre en Turquie sous un régime de justice et d’égalité, renoncèrent vite à cet espoir. Dans l’Arménie proprement dite, il n’y eut pas d’extermination en masse ; mais les assassinats, les pillages fleurirent grâce à l’impunité accordée à leurs auteurs et érigée en système politique. Les Arméniens com-