Page:La Réforme sociale, série 3, tome 5, 1893.djvu/185

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et pour essayer d’indiquer le remède, avant que le corps entier soit atteint.

Notre noble pays, ainsi que l’a qualifié une remarquable encyclique, traverse en ce moment une crise douloureuse ; des désordres graves déjà pressentis, trop longtemps dissimulés et couverts par ceux qui devaient les connaître et les arrêter, ont été brusquement et violemment mis au jour, dévoilant à tous les yeux de hideuses plaies morales. Sous le coup de l’honnêteté révoltée, l’esprit public s’est exalté jusqu’à l’affolement, si bien qu’il n’est que temps de révéler avec franchise l’étendue du mal pour éviter les catastrophes.

Cette indignation réclame des résolutions énergiques qui, pour être efficaces, doivent s’appliquer autant au moins à la réforme des mœurs qui ont amené ces désordres qu’au châtiment de ceux qui ont été coupables.

« La richesse, écrit Le Play, est l’un des plus périlleux écueils de la prospérité ; son accumulation rapide est un danger pour la société ; elle crée les mauvaises mœurs, les appétits sensuels, l’indifférence pour les maux du prochain ; elle exaspère l’antagonisme, fait naturel du contact entre les pauvres voués à la misère et les riches livrés à toutes les jouissances du luxe. Ces influences s’étendent de la vie privée à la vie publique ; peu à peu, les classes dirigeantes deviennent incapables de remplir leurs devoirs, elles perdent leur force morale et désorganisent la société en pervertissant les classes inférieures, et alors l’enchaînement de causes et d’effets fait sortir la décadence des progrès mêmes d’une nation et entraîne sa ruine. » Qui ne croirait ces lignes écrites d’hier et sous l’impression des événements qui se déroulent sous nos yeux attristés ? N’est-ce pas, en effet, le développement excessif des richesses et l’oubli de la loi de Dieu qui ont amené l’état morbide dans lequel nous nous débattons.

Quelle nation fut plus favorisée que la nôtre et profita davantage, grâce à ses habitudes de travail et d’épargne, du développement merveilleux par lequel ce siècle a vu s’épanouir toutes les branches de l’activité humaine ? Ni les secousses de la Révolution, ni les guerres de l’Empire n’avaient appauvri ce pays jusqu’à l’épuiser ; la Restauration avait rétabli par un sacrifice habile la stabilité de la propriété foncière et préparé ainsi son essor et sa richesse ; le régime de 1830, après quelques années de troubles, conséquences