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Page:La Révolution surréaliste, n02, 1925.djvu/10

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ENQUÊTE

On vit, on meurt. Quelle est la part de la volonté en tout cela ? Il semble qu’on se tue comme on rêve. Ce n’est pas une question morale que nous posons : LE

SUICIDE

EST-IL

UNE

SOLUTION?

Ce nest point, par Vintelligence que brillent nos contemporains,mais il faut pour lettr malheur qu’ils en réfèrent toujours à celte jacuité. Rien de plus brouillon que Vhomme: posez-lui une question, il répond à une autre, ou /ait d’abord le procès de celte question. Avions-nous le droit de demander si le suicide est une solution? Messieurs, vous aurez zéro.

Il paraît, à en croire ce bouffon de Jammes, que poser la question du suicide, c’est la résoudre, que demander si le suicide apporte cesse à Vhomme au milieu des immenses malheurs qui Vaccablent, c’est lui faire entrevoir ce soulagement final et du coup l’y pousser. On se tuerait en masse si l’on y réfléchissait seulement. Voilà ce qui permet à ce quinquagénaire de nous faire la leçon. Mais, mon cher candidat à VAcadémie, si le suicide était une solution, nous nous glorifiions d’y pousser le monde, si seulement nous le croyions un peu. S’il n’en est pas une, qu’est-ce que celle rumeur héroïque, cette brume légendaire qu’on veut laisser flotter sivr lui P Au reste, l’occasion semble bonne de prendre ses responsabilités. Il est vrai que nous ne reculeronsjamais devant les conséquencesde la pensée, et que nous laisserons aux cafards leur ridicule manie d’escamoter les problèmes:

M. FRANCISJAMMES:

La question que vous posez est d’un misérable et, si jamais un pauvre enfant se tue à cause d’elle, ce sera vous l’assassin ! Il y a des damnés. Votre unique ressourcé, s’il vous reste un peu de conscience, est d’aller vous jeter dans un confessionnal.

Non seulement je vous autorise à publier cette lettre in-extenso, mais encore à l’envoyer à madame votre mère.

M. JOSEFFLOKIAN,lui, tmilcatholiquequ’il soit, csl sans inquiêlude

Je ne suis pas écrivain pour répondre aux enquêtes. Je suis catholique et la doctrine de l’Eglise est pour moi la vérité, vérité réelle (égale peut-être à votre « surréaliste ») et quant au suicide, c’est Gilbert K. Chesterton mon porte-parole dans cette matière. A lire son Orthodoxie,Ve article, dans la traduction tchèque sous le titre Prapor Svêta (Le drapeau du monde) La question est tout à fait morale. M.PIFRIULRFVJiHDYnepeutnonplusconsidérercelte questionhorsdu plan moral,maisce n’estpasparsurdilé, commeMM. l-’lnriancl Jouîmes,cl leursconsorts.Pierre Hcverdijquine pensepasqu’unhommepuisseselucret croire à la survieesl le prisonnierde cellefoi qui faisaitdire à Hohcspierre

cetteqrandeparole: « Celaiqui ne croit/)«.s-(i l’immortalitéde l’âmese retuliustice.» Le suicide est un acte dont le geste a lieu dans un monde et la conséquence dans un autre. On se tue probablement comme on rêve — quand

la qualité du rêve le transforme en cauchemar. Mais l’homme s’hypnotise sur ce mirage de grandeur qu’il lui a été donné la volonté d’empiéter sur les desseins de Dieu. Le suicide est un de ces empiétements, c’est un acte de rébellion et les faibles seuls ont sujet de se montrer rebelles. Quand on ne veut pas subir jusqu’au bout les coups du sort, quels qu’ils soient — ou qu’on ne peut plus

on cherche une porte- de sortie. Il y en a plusieurs, en comptant la porte étroite qui n’est en réalité qu’un long couloir par où nous prétendons accéder dans la salle du trône. Il y a celle par où tout le monde passe faute de pouvoir faire autrement et sans trop y penser à l’avance. Le suicide est un chemin de traverse qui ne mène peut-être pas dans le plus beau jardin. Comme nous recevons la vie et la mort, nous pouvons les donner; que la portée de ces événements, à chacun des bouts de notre fil, nous étonne parce qu’elle dépasse un peu ce dont nous sommes capables tous les jours, c’est assez normal, mais qu’elle nous grise au point de nous persuader que nous sommes les maîtres de notre destinée tout entière, ce serait alors insensé. La seule maîtrise qui nous ait été laissée est celle de notre volonté, de notre pensée, de nos actes ; mais non pas celle de .l’orientation générale de notre être et de sa fin. De cette dernière nous ne choisissons ni le mode, ni le lieu, ni le temps. Et pour dire que le suicide, comme la mort naturelle d’ailleurs, est une solution aux affaires de ce monde, il faudrait encore savoir à quel point les affaires de ce monde sont liées à l’autre. Par conséquent solution au recto seulement. Pour le verso, c’est le côté caché de la