Page:La Révolution surréaliste, n04, 1925.djvu/20

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i8 LA BAIE DE LA FAIM qu’aujourd’hui, jour choisi par moi seule à cette minute précise, je t’offre la blessure béante de mon sexe et celle sanglante de mon coeur ! » Elle dit et pressant son arme sur son sein, la voilà qui tombe tandis qu’une petite fuméebleue «’élève à la suite d’une détonation. La salle se vide en silence. Sur une- femme admirable un homme en frac recueille de sa bouche encore un baiser sur la bouche. Jeanne d’Arc-en-ciel,le sein nu et chevauchant un cheval blanc sans selle, parcourt Paris. Et voici que les pétards de dynamite détruisent la stupide effigie en cuivre à casserole de la rue des Pyramides, celle de la place saint Augustin et l’église (une de moins 1)par surcroît. Jeanne d’Arc-en-ciel, triomphant enfin de la calomnie, est rendue à l’amour. La missionAlbert avec ses mâts surmontés d’un oriflamme est maintenant au centre d’une pyramide de glace. Un sphinx de glace surgit et complètele paysage. De la brûlante Egypte au pôle irrésistible un courant miraculeux s’établit. Le sphinx des glaces parle au sphinx des sables Sphinx desglaces. — Qu’il surgissele Bonaparte lyrique ! Du sommet de ma pyramide quarante époques géologiques contemplent non pas une poignée cle conquérants, mais le monde. Les bateaux à voiles ou à cheminées,jolis chameaux, voguèrent vers moi sans m’atleindre et je m’obstine à contempler dans les quatre faces parfaitement poliesdu monument translucide la décomposition prismatique des aurores boréales. Sphinx des sables. — Et voici que les temps approchent ! On soupçonne déjà l’existence d’une Egypte polaire avec ses pharaons portant au cimier cle leur casque non pas le scarabée des sables, mais l’esturgeon. Du fond cle la nuit cle six mois, une lsis blonde surgit, érigée sur un ours blanc. Les baleines luisantes détruiront d’un coup de queue le berceau flottant des Moïses esquimaux. Les colosses de Memnon appellent les colossescle Memoui. Les crocodiles se transforment" en phoques. Avant peu les révélations sacrées traceront de grands signes algébriques pour relier les étoiles entre elles. Sphinx des glaces. — Maux pour le corps, mots pour la pensée ! L’énigme polaire que je propose aux aventureux n’est pas un remède. Chaque énigme a vingt solutions ! Les mots disent indifféremment le pour et le contre. Là n’est pas encore la possibilité d’entrevoir l’absolu. La pêcheuse de perles toute sanglante, et n’ai-jc pas voulu la tuer, mais elle survit à cet attentat moral. La toute sanglante pêcheusevoit entrer dans la salle Jeanne d’Arc-en-cielsa soeur. Sur les socles inutiles de la Jeanne de Lorraine de gigantesques pieuvres de charbon de terre s’érigent. Les animeurs viendront y déposer des couronnes et une petite lampe Davis qui brûlera nuit et jour en mémoire du sexe poilu de la véritable aventurière. Corsaire Sanglot que j’avais oublié dans la coquette cellule, s’endort. Un ange d’ébène s’installe à son chevet, éteint l’électricité et ouvre la grammaire du rêve. Lacordaire parle : « De même qu’en 1789 la monarchie absolue fut renversée, il faut en 1925 abattre la divinité absolue. Il y a quelque chose de plus fort que Dieu. Il faut rédiger la Déclaration des droits de l’âme, il faut libérer l’esprit, non pas en le soumettant à la matière mais en lui soumettant à jamais la matière ! » Jeanne d’Arc-en-ciel, en marche depuis des années, arrive devant le sphinx des glaces avec, sous le bras, LE VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE. Elle demande à résoudre l’énigme. Enignu Qu’est-ce qui monte plus haut que le soleil et descend plus bas que le feu, qui est plus liquide que le vent et plus dur que le granit ? Sans réfléchir, Jeanne d’Arc-en ciel répond : Une bouteille. — Et pourquoi ? demande le sphinx. — Parce que je le veux. — C’est bien, lui peux passer, CEdipeidée et peau. Dieu à pied. Elle passe. Un trappeur vient à elle, chargé cle peaux de loutres. 11lui demande si elle connaît Mathilde, mais elle ne la connaît pas. 11 lui donne un pigeon-voyageur et tous deux poursuivent -des chemins contradictoires. Dans le laboratoire des idéescélestesun pseudo-Salomon de Caus met la dernière main aux épures du mouvement perpétuel. Son système basé sur le jeu des marées et sur celui du soleil occupe quarante-huit feuilles de papier canson. A l’heure où ces lignes sont écrites l’inventeur est fort occupé à couvrir la quarante-huitième feuillede petits drapeaux triangulaires et d’étoiles asymétriques. Le résultat ne se fera pas attendre. Commela onzième heure s’approche toute grésillante du bouillon des alchimistes, un petit bruit se fait entendre à la fenêtre. Elle s’ouvre. La nuit pénètre dans le laboratoire sous l’aspect d’une femme nue et pâle sous un large manteau d’astrakan. Ses cheveux blonds et coupés font une lueur vaporeuse autour de son visage fin. Elle pose la main sur le front de l’ingénieur et celui-ci sent couler une mystérieuse fontaine sous la muraille de ses tempes tourmentées par les migraines. Pour calmer ces migraines, il faudrait une migration d’albatros et de faisans. Ils passeraient