Page:La Révolution surréaliste, n07, 1926.djvu/24

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TEXTES SURREALISTES

la réclame polaire que dans ce- pays de fantômes familier à l’excès avec les revenants de pierre et les chuchotantes ombres du faux amour je reconnaissais à sa fourrure de frissons, Solangeet Solange était là muette comme le ciel étoile avec ses mains d’alcool et l’échevèlement de ses pas. A l’abri de cette passante adorable en vain j’imaginais que j’étais une pierre transparente un décor des tropiques l’enfant des îles sans nom qu’à peine une main vacillante au plus bleu de la carte au hasard situe, mon existence prenait l’accent tragique du cristal elle ne l’a plus quitté et voici la cloche d’alarme et je me réveille en sursaut Où es tu Solange Ho Solange elle ne répond pas il n’y a qu’une grande flamme blonde un peu plus loin dans ce paysage d’acier Solange serait elle un songe elle tient par un bout de son nom à la terre et par l’autre au ciel de l’imaginaire elle s’évanouit dans ma mémoire et sa présence étrangement à l’absence est pareille elle se lève sur ma vie comme un astre invisible elle est plutôt un signe du zodiaque une influence planétaire qu’une lueur ou un soleil.J’entre dans la zone d’attraction qui lui sert d’écharpe ou de harpe le doux chant que celui de Solange perdue dans la forêt nous sommes forêt l’un à l’autre couple bizarre où chacun reste seul couple fait pour le malheur et les draps noirs des séparations volontaires couple de feux follets dans la bruyère blanche des rendez vous. Maistoi magie,blonde écoute : peut être me suis je trompé, j’ai cru reconnaître ton haleine à la vitre de ma chambre pourtant tu devrais être en ce moment ailleurs si c’est ailleurs que s’étendent les déserts peuplés d’aiguilles mais les cristaux de tes regards et tes floiaisons de caresses remontent lentement au fond du verre de mon coeur, encore une fois Solange prends si seulement tu existes cette main qui doit être la mienne. Elle sourit elle ne croit pas à ma réalité, nous sommes hantés l’un par l’autre irrémédiablement seuls ensemble au bord d’une cuve d’oubli: je lui parle du monde tu sais le monde elle secoue le monde avec ses cheveux pâles. Ce que j’ai aimé ne l’effraye pas elle n’est jalouse que de ce qui m’obscurcit chaque minute est une flambée, de ma bouche il sort des poignards elle les reçoit sans un mot elle en fait des bouquets pour ses chapeaux de fumée.Ma main la mord elle devient incendie. Es tu là dans l’aveuglement Solange, on peut à peine dire que la solitude est là. Nous sommes donc en plein dans le siècle des apparitions celle-ci ne sait rien du cimetière où elle surgit mes tempes en sont les tombes Je t’aime anéantit les croix sinistrement penchées vers l’avenir Solange oh ce nom comme une vapeur au dessus des morts agitée.

Ce qui n’est ni le ciel ni la mer ni les varechs ni l’ombre ce qui n’est ni le sang ni les vautours ni la diversité des bois de menuiserieni la délectation coupabledes dormeurs ce qui n’est ni la morsureni l’amorce ni la mort ni le mouvement ce qui vient tout à coup ce qui pourtant déferle commeune grande étolïe constellée et l’ivresse du vin s’est enroulé avec un bruit bizarre au destin qui poursuit l’enfant du songe au songé engendreurà l’enfant du songeet jelenommeainsi car j’ai les yeux bleus. C’est l’année du beige et du bleu la mode est aux baisers les femmes ont compris enfin le charme des grands éventails de caresses elles vont sur les promenades avec de petits chiens blonds et des ombrelles qui sont mes mains. Ah les souliers adorables qu’on fait aujourd’hui ce sont des frôlements légers comme des feuilles des feuillages fanés ou des effleurements.La mode est à la naissance des fleurs elle est au coeur des arbres elle est à l’aubier elle est à l’aube et relevez ce voile par où s’échappent les oiseaux tenant dans leur bec un nuage. Cette saison nous ne reverrons plus les grands rires sauvages nous ne reverrons plus ces éclats de couteau la neige aux pleurs solides ni les vêtements d’alcool noir ni la broche de trois heures du matin que les élégantes portaient négligemment piquées au travers de mon coeur. Cela ne se l’ait plus mon cher un chapeau comme le vôtre un chapeau de jalousie aux bords de précipice.Jetez vos gants de rage et vos mouchoirs tremblants cette année les mains sont vivantes cette année de ciel et de sable est dédiée à la fraîcheur : on rencontre partout des paysages qui s’en vont dormir près d’une source. Les petites filles ont eu des jouets merveilleux qui disent l’avenir 5dans les jardins publics on remarque une nouvelle espèce de sourire oh joli ruban des bouches. Les spectacles sont à l’unisson du costume il vient de s’ouvrir un théâtre. oùil nesefaitrien quesoufflerunebriseembaumée par les variétés de l’orge et des seigles qui sont innombrables c’est là le dernier opéra possible. Ce qui chante est comme le passage d’un bras très pur. Les music-halls sont devenus transparents et à travers leur déluge de plumes on voit la vie qui est une immense plage australe à l’indécise apparition du soleil avec de grands peignes poignards plongés dans les cheveux blonds du rivage. Dans lescabarets chantants une peuplade inconnue fait des numéros de murmures. Un peu plus tard on nous promet des danseuses de buée Paris verra bientôt les fameuses étoiles filantes qui se sont accrochées dans la Croix du Sud le snobisme sera aux éclipsessans doute : mais on ne fumera pas les verres on les boira;