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poèmes

du bonheur immérité, nous les affranchirons,
Nous les PROLÉTAIRES, RÉVOLUTION ! RÉVOLUTION !


II

Pureté ! Pureté ! Pureté !
Je suis heureuse ! Heureuse !
PASCAL ET NIETZCHE ! Et leurs cris
Et leurs ORGUEILS ! ET SURTOUT ! Ô surtout
LEUR PURETÉ ! ET BEETHOVEN… ET encore
D’AUTRES ! ET LEUR IMMORALITÉ…
PURETÉ ! ORGUEIL ! DOULEUR !

ET LE PÉCHÉ ORIGINEL ET LA MORT !
ET L’ESPRIT ET LA VIE !
ET TOUS LES HOMMES, VIVANTS !
FANTASIA ! CAVALERIE ! POUSSIÈRE !

ET LA FEMELLE, ET L’INTELLIGENCE !
ET LA VOLONTÉ DE PUISSANCE !
AH ! AH !
ET L’AFFIRMATION DE LA VIE !
ET LE RIRE ! ET LE MÉPRIS ! AH ! AH !

ET VOUS LES PROLÉTAIRES ?
ET VOUS LES ESCLAVES, LES AFFAMES !
ET VOUS MES TOURMENTS ?
ET VOUS MES DOUTES ET MES CERTITUDES ?
NOUS PÉRIRONS VOUS ET MOI !

Fanny Beznos


À Janine

OPAQUE

Le tronçon du destin se sépare en deux tronçons nouveaux
qui dormait à l’abri du soleil et des vagues
et sur la main de sa mère le destin trace des caractères cunéiformes.
Le devin avec ses yeux de sable arrive par la route des chenilles
il apporte des présents costumés et des fièvres malignes
dans un sac miroitant que l’on dit fait de feuilles d’héliotrope superposées.
Chacun de ses pas est un radeau qui flotte sur la chlorophylle de l’avenir
le devin n’a pas de visage mais un arbre sanglant.
De ses rides précieuses il déroule un fil de fumée compacte
et ce fil inscrit la mort sur le ventre du ciel.
Puis le devin parle de son fils qui est le rouage des ténèbres.
« Il a changé la muraille d’ongle en muraille de lymphe
et à l’étal de la boucherie il a pendu le ressort du monde.
Sans trêve il arrache aux gouffres de la terre les sueurs des bêtes agonisantes
les gorges des femmes les sourires des femmes les dents de l’océan
et ceux qui détiennent la clé des morsures fidèles
ceux dont les membres se réchauffent à l’air
comme les cloches au soupir du curare
ceux là il les enferme dans la poche fatale
la poche au double climat aux vitres nuptiales
et là le verglas de l’angoisse viendra les arracher à la cloison des chairs.
Il se tient dans les champs de la misère, et le faucon est le signe de sa puissance »
À ces paroles le mirage des mondes se replie sous l’aile du suicide
et restent seuls face à face
sans armure de mémoire et sans rêves
le devin et le destin.