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UN CHIEN ANDALOU


Le personnage puni a maintenant une expression aiguë et pleine de traîtrise. Il se retourne vers le nouveau venu. Les livres qu’il soutient toujours, se convertissent en revolvers.

Ce dernier le regarde avec tendresse, sentiment qui augmentera par moments.

Le personnage des mantelets, menaçant l’autre de ses armes, le force au « Hands up ! » malgré son obéissance, décharge sur lui les deux revolvers. En P. A. le nouveau venu tombe mortellement blessé, ses traits se contractent douloureusement (Le flou revient et la chute en avant est en un ralenti plus prononcé que le précédent).

De loin on voit tomber le blessé qui n’est plus cette fois dans la chambre, mais dans un parc. A ses côtés se trouve assise, immobile et vue de dos, une femme aux épaules nues, légèrement penchée en avant. En tombant, le blessé essaye de saisir et de caresser ces épaules ; une de ses mains, tremblante, est tournée vers lui-même ; l’autre effleure la peau des épaules nues. Il tombe enfin à terre.

Vue de loin. Quelques passants et quelques gardiens se précipitent pour lui prêter secours. Ils le soulèvent dans leurs bras et l’emportent à travers bois.

Faire intervenir le boiteux passionné.

Et l’on revient à la même chambre. Une porte, celle où la main était restée prisonnière, s’ouvre lentement. Paraît la jeune, fille que nous connaissons. Elle referme la porte derrière elle et regarde très attentivement ; le mur contre lequel se trouvait l’assassin.

L’homme n’est plus là. Le mur est intact, sans un seul meuble ni décor. La jeune fille a un geste de dépit et d’impatience.

On voit de nouveau le mur, au milieu duquel il y a une petite tache noire.

Cette, petite tache, vue de plus près, est un papillon de la mort.

Le papillon en G. P.

La tête, de mort des ailes du papillon couvre, tout l’écran.

En P. I. paraît brusquement l’homme des mantelets qui porte, vivement, la main à la bouche comme quelqu’un qui perd ses dents.

La jeune fille le regarde dédaigneusement.

Quand le personnage, retire sa main, on voit que la bouche a disparu.

La jeune fille semble lui dire : « Bien ! Et après ? » et se fait un raccord aux lèvres avec son carmin.

On revoit la tête du personnage. A l’endroit où se trouvait la bouche commencent à pousser des poils.

La jeune fille, en s’en apercevant, étouffe un cri et se regarde vivement sous l’aisselle qui est complètement épilée. Méprisante, elle lui tire la langue, se jette un châle sur les épaules et ouvrant la porte de communication qui est à côté d’elle, elle passe dans la chambre contiguë, qui est une grande plage.

Près de Peau attend un troisième personnage. Ils se saluent très aimablement et se promènent en suivant la courbe des vagues.

Plan de leurs jambes et des vagues qui déferlent à leurs pieds.

Suivis en Tram, par l’appareil. Les vagues rejettent doucement à leurs pieds, d’abord les courroies, puis la boîte rayée, ensuite les mantelets et finalement, la bicyclette. Cette vue continue encore un instant sans que la mer rejette quoique ce soit.

Ils continuent, leur promenade sur la plage en s’estompant peu à peu pendant que dans le ciel apparaissent ces mots :


AVEC LE PRINTEMPS


Tout est changé.

Maintenant on voit un désert sans horizon. Plantés dans le centre, enlisés dans le sable jusqu’à la poitrine, on voit le personnage et la jeune, fille, aveugles, les vêtements déchirés, dévorés par les rayons du soleil et par un essaim d’insectes.

Luis Buñuel — Salvador Dali

TES BOUGIES BOUGENT Yves Tanguy