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UN CHIEN ANDALOU

gauche cherche aussi et attrape une corde identique.

La jeune fille collée au mur regarde, épouvantée, le manège de son agresseur.

Celui-ci avance vers elle en traînant d’un grand effort ce qui vient attaché, à la suite des cordes.

On voit passer : d’abord un bouchon, puis un melon, deux frères des écoles chrétiennes et enfin deux magnifiques pianos à queue. Les pianos sont remplis par des charognes d’ânes dont les pattes, les queues, les croupes et les excréments débordent de la caisse d’harmonies. Quand un des pianos passe devant l’objectif, on voit une grande tête d’âne appuyée sur le clavier.

Le personnage traînant à grand’peine cette charge, est tendu désespérément vers la jeune fille. Il renverse, les chaises, les tables, une lampe à pied, etc., etc. Les croupes des ânes s’accrochent à tout. La lumière, suspendue au plafond, bousculée au passage, par un os décharné, se balancera jusqu’à la fin de la scène.

Quand le personnage, est sur le point d’atteindre la jeune fille, celle-ci l’esquive d’un bond et s’enfuit. Son agresseur, lâchant les cordes, se lance à sa poursuite. La jeune fille, ouvre la porte de communication par où elle disparaît dans la chambre contiguë, mais pas assez rapidement pour pouvoir s’enfermer. La main du personnage ayant réussi à passer par la jointure y reste prisonnière, prise par le poignet.

À l’intérieur de la chambre, serrant la porte, de plus en plus, la jeune fille regarde la main qui se contracte douloureusement au ralenti et les fourmis qui reparaissent se dispersent sur la porte.

Immédiatement elle tourne la tête vers l’intérieur de la nouvelle chambre qui est identique à la précédente mais à laquelle l’éclairage donnera un aspect différent ; la jeune fille voit…

Le lit sur lequel est étendu le personnage dont la main est toujours prise dans la porte. Il est vêtu des mantelets et la boîte sur la poitrine, sans faire le, moindre geste, les yeux grands ouverts et avec une expression superstitieuse qui semble dire : « En ce moment, il va se passer quelque chose, de vraiment extraordinaire ! ».


VERS TROIS HEURES DU MATIN


Sur le palier, près de la porte d’entrée de l’appartement, un nouveau personnage vu de dos, vient de s’arrêter. Il presse le bouton de sonnerie de la porte de l’appartement où se passent les événements. On ne voit, ni le timbre ni le marteau électriques de la sonnette mais à la place qui leur correspondrait, par deux trous pratiqués au-dessus de la porte, on voit passer deux mains qui agitent un « shaker » en argent. Leur action est instantanée, comme dans les films ordinaires, quand on appuye sur le bouton de sonnerie.

Le personnage alité tressaille.

La jeune fille va ouvrir.

Le nouveau venu va directement vers le lit et ordonne impérieusement au personnage, de se lever. Il obéit, en rechignant à tel point, que l’autre se voit obligé de l’empoigner par les mantelets et l’oblige, de vive force, à se lever.

Après lui avoir arraché les mantelets un à un, il les jette par la fenêtre. La boîte, suit le même chemin ainsi que les courroies que le patient tentait, en vain de sauver de la catastrophe. Et ça conduit le nouveau venu à punir le personnage, en l’envoyant se tenir debout contre un des murs de la chambre.

Le nouveau venu aura exécuté tous ses mouvements complètement tourné de dos. Il se retourne alors pour la première fois pour aller chercher quelque chose de l’autre côté de la chambre.

Sous-titre qui dit :


IL Y A SEIZE ANS.


À l’instant la photographie devient vaporeuse. Le nouveau venu se meut au ralenti et l’on voit ses traits identiques à ceux de l’autre : ils ne font qu’un, seulement le nouveau venu a un air plus jeune et plus pathétique, comme devait être l’autre, il y a nombre d’années.

Le nouveau venu va vers le fond de la chambre, précédé de, l’appareil qu’il suit en P. A.

Un pupitre, vers lequel se dirige, notre, individu, entre dans le champ. Deux livres, sur le pupitre, ainsi que divers objets scolaires ; leur position et sens moral se détermineront avec soins.

Il prend les deux livres et se retourne pour aller rejoindre le personnage. À l’instant tout revient à l’état normal, disparaissant le flou et le ralenti.

Arrivé près de lui, il lui ordonne de se mettre, les bras en croix, lui pose un livre dans chaque main et lui ordonne de rester ainsi, comme punition.