Page:La Retraite de Laguna (Plon 1891).djvu/128

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trois lieues et demie qui nous séparaient, accompagné d’un seul camarade qui l’aidait à conduire ses voitures. Une extrême terreur ne l’avait pas quitté pendant tout le trajet ; mais sa nature de comédien l’avait soutenu. Par une fantaisie calculée pour entretenir son courage, il s’était entouré, nous disait-il, de bataillons imaginaires auxquels il donnait de temps en temps des ordres à haute voix figurant au loin des manœuvres ; et il racontait, entre autres scènes de ce genre, qu’au passage de l’Apa-Mi, à dix heures du soir, par une nuit obscure, il avait commandé, de toute la force de ses poumons, de croiser la baïonnette à la vue d’un bouquet de bois qui avait éveillé ses craintes.

Au milieu de sa joie d’être arrivé et de ses émotions de toute sorte, il n’oublia pourtant point la nouvelle sûre, nous disait-il, de l’approche d’une longue suite de convois qu’il ne faisait que précéder, et qui roulaient sur la route de Nioac à l’Apa, malgré tous les dangers d’une ligne de près de trente lieues à parcourir en pays complètement découvert.

Cette diversion comique peut être excusée, au moment d’aborder des scènes désormais