Page:La Retraite de Laguna (Plon 1891).djvu/170

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même, il nous donna des nouvelles de la guerre du Sud. Le fils du guide lui ayant demandé si Curupaïty avait été pris, il répondit par un seul mot : « Non. » — Et Humaïta ? — « Jamais ! » — Ainsi la guerre n’est pas à sa fin ? — Après une pause pendant laquelle cette question fut répétée, le jeune homme répliqua, comme sortant d’un rêve, et avec le ton d’emphase propre à la langue de son pays : « La terrible guerre est assoupie ! » Il délirait ; on le porta à l’un des chariots de l’ambulance.

La suite de cet incident (ce dont nous avons évité de nous procurer la triste certitude) fut, selon le bruit qui courut, que le malheureux, placé dans une voiture déjà encombrée et où il vint augmenter la gêne d’autres blessés ou de mourants qui ne rêvaient que haine et vengeance, finit par être étranglé. Il est certain que peu d’heures après, pendant la marche, il fut jeté mort sur la route.

Les corps de nos Brésiliens furent tous enterrés dans des fosses qu’on fit creuser par les Indiens. Pour les Paraguéens, on en laissa cette fois la tâche à leurs compatriotes, que nous savions ne devoir pas tarder à revenir sur les