Page:La Retraite de Laguna (Plon 1891).djvu/183

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Immobile pendant quelque temps, il interrogea l’horizon, puis rompant le silence par une de ces apostrophes habituelles aux hommes de la nature qui voient une lutte à soutenir, il porta le défi aux flammes qui commençaient à s’élever : « Eh bien ! dit-il, nous nous battrons ! Toutefois ce sera pour un peu plus tard, ajouta-t-il en se tournant vers nous ; je vais d’abord tromper les Paraguéens en portant droit vers Miranda ; je me rabattrai ensuite sur ma ferme. »

Nous allâmes camper ce soir-là près d’une des sources du José Carlos. Nous comptions pouvoir nous y désaltérer à loisir après une journée des plus pénibles dans une atmosphère brûlante ; mais nous n’y trouvâmes qu’une eau trouble et détestable, et comme, de plus, nous arrivions tard à ce triste gîte, le soleil déjà couché, nous n’eûmes rien à donner, ni eau ni herbe, à nos bœufs exténués de fatigue et dont le regard implorait notre pitié. Ils n’avaient pour se reposer qu’un sol poudreux dont le gazon était sec et brûlé par le soleil. Nous dûmes nous contenter nous-mêmes d’un cinquième de notre ration habituelle ; pour mieux dire, la nourriture manqua. Au lieu de vingt-