Page:La Retraite de Laguna (Plon 1891).djvu/201

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avait perdu l’assurance, bien qu’il hésitât à en convenir. Ceux qui ont longtemps pris part à la vie des forêts sont, plus que les autres hommes, dominés par l’amour-propre ; ils tiennent ce sentiment des sauvages eux-mêmes, chez qui l’on en peut voir la puissance par leur inébranlable fermeté dans les tourments les plus cruels qu’il plaît à un ennemi vainqueur de leur faire souffrir.

Nous allâmes de la sorte, bien qu’excédés de fatigue, à peu près deux lieues encore. Le fils de Lopès était venu nous dire en confidence qu’il croyait que nous avions à reconnaître un gros cours d’eau portant le nom de rivière des Croix. On lui fit observer qu’il semblait dire que nous marchions à l’aventure ; sa réponse instantanée fut qu’il ignorait en effet où nous allions, qu’il avait malheureusement la conscience d’une erreur, mais n’osait le dire à son père. C’eût été lui faire entendre qu’il ne savait plus s’orienter dans la campagne, et le respect pour le père, pour le chef de la famille, pour celui qui l’avait si souvent conduit dans ses migrations à travers les solitudes, obligeait le jeune homme à garder le silence. Ce trait de la