Page:La Retraite de Laguna (Plon 1891).djvu/227

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Tels étaient les incidents qui se produisaient parmi nous. Bien que les officiers fussent décimés eux-mêmes, l’esprit général du corps se maintenait calme, cependant : on se cherchait, on se réunissait, on échangeait des paroles de bienveillance et de bon conseil. Cette égalité d’âme n’avait rien que de naturel chez des hommes particulièrement doués, comme José Thomas Gonçalvès, Pisaflores et Marquès da Cruz, ou exceptionnellement forts comme Lago, Caton et José Rufino ; cependant la même attitude d’impassibilité se faisait remarquer aussi chez d’autres, moins énergiquement constitués : elle prenait chez le lieutenant-colonel Juvencio une teinte de mélancolie au souvenir de sa famille. Quant au commandant, il s’était renfermé dans sa dignité et dans le sentiment du devoir ; l’heure approchait où il allait le montrer par les preuves les plus éclatantes.

Le matin du 24, une pluie torrentielle et continue ne tarda pas à transformer en une mare bourbeuse le sol d’argile sur lequel nous étions campés. Un vent violent et vif poussait sur nous des avalanches d’eau. Pisaflores, le brave Rio Grandense, n’en sortit pas moins à la tête de